Difficile d'écrire sur le dopage au Tour de France sans avoir l'impression de radoter. Les années se suivent et, malheureusement, se ressemblent.

Il y a deux ans, l'affaire Puerto avait empêché plusieurs favoris (Ullrich, Basso, Mancebo) de prendre le départ d'une course ultimement ternie par le contrôle positif et la déchéance du vainqueur, Floyd Landis. L'an passé, c'était au tour d'Alexander Vinokourov (transfusion homologue), Michael Rasmussen (fausses déclarations sur son emploi du temps) et Cristian Moreni (testostérone) de faire la manchette.

Et cet été, alors qu'il reste encore neuf jours de course, le contrôle positif à l'EPO de l' Italien Riccardo Ricco, après ceux des seconds couteaux espagnols Manuel Beltran et Moises Duenas, porte à trois le nombre de coureurs épinglés par l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) depuis le départ de la Grande Boucle. Difficile dans ce contexte d'être en désaccord avec le coureur David Millar, lui-même repenti du dopage, aujourd'hui à l'emploi de l'équipe Garmin-Chipotle, réputée propre : «L'image du vélo est foutue!», a-t-il dit hier. En fait, l'image du vélo est foutue depuis longtemps.

Depuis les lourds soupçons et les révélations partielles au sujet de Lance Armstrong. Depuis l'affaire Festina, il y a 10 ans déjà. Ou depuis que le gagnant du Tour de 1988, Pedro Delgado, s'en est tiré à bon compte parce que le produit masquant qu'il utilisait, prohibé par le Comité international olympique, ne figurait pas sur la liste des produits interdits de l'Union cycliste internationale. Mais cette litanie d'affaires scabreuses n'est pas une raison pour abdiquer, ni pour proclamer la mort du vélo, air connu s'il en est un.

Parce que derrière chaque nouveau scandale qui émerge se profile non seulement la volonté réelle des autorités du cyclisme de faire le ménage dans leur cour, mais aussi le raffinement des méthodes utilisées pour prendre les tricheurs en flagrant délit. À preuve : Ricco et Beltran faisaient partie d'un petit nombre de coureurs ciblés par l'AFLD en raison de leurs valeurs sanguines suspectes lors des tests administrés à l'ensemble du peloton dans les jours précédant le départ. Ce genre de stratégie ciblée est en plein le genre d'approche «intelligente» que réclame depuis longtemps la directrice du laboratoire antidopage de l'INRS-Institut Armand-Frappier, Christiane Ayotte. «Le danger, c'est que les gens pensent que le vélo est un cas à part, pense-t-elle. C'est sûr que c'est un sport professionnel où les choses se passent en vase clos et où il y a vraiment une importante sous-culture du dopage. Mais il ne faudrait pas être stupide au point de penser que les autres sports sont épargnés.»

Soyez assurés que si la NFL, le baseball majeur ou même le hockey avaient des programmes antidopage aussi rigoureux que ceux appliqués par le cyclisme, le rapport Mitchell, qui a mis en cause 89 joueurs de baseball, aurait l'air d'un épisode des Contes pour tous. Quand on ne cherche pas, on ne trouve pas. Et le cyclisme peut au moins se vanter de chercher. Comme l'a bien résumé hier le manageur de l'équipe AG2R, Vincent Lavenu: «C'est une purge et comme toutes les purges, ça fait mal.»