Paul McCartney, Paul McCartney, c'est bien beau, Paul McCartney qui va chanter sur les plaines d'Abraham. Mais c'est plus que salement ironique.

Un Anglais!

Un Anglais, bordel, pour chanter sur les plaines d'Abraham. Pas au Capitole. Sur les Plaines. Avec un peu de chance, on va découvrir que l'ex-Beatle est un distant cousin du tombeur de Montcalm, Wolfe

Je pourrais aussi souligner que la dernière fois que les mots «Paul McCartney» et «Québec» ont été lancés ensemble partout sur la planète, c'est quand Sir Paul est venu faire le clown en habit orange, un hiver, sur la banquise des Îles-de-la-Madeleine, à la défense des phoques. I love you, Kwebec!

Mais le monde est content! Paraît que Daniel Gélinas, boss du 400e, serre des mains comme une rock star depuis l'annonce. Vrai que McCartney, après le désastre qui s'annonçait avec le fiasco du 31 décembre, c'est pas rien.

Désolé de gâcher le party, mais inviter Sir Paul à Québec pour le 400e, il n'y a rien pour faire la vague. On a mis assez de livres sterling sur la table, that's it.

Ce qui m'irrite, ce n'est pas de savoir qu'on va ovationner dans la capitale nationale un militant végétarien qui a laissé des extrémistes du poil instrumentaliser sa célébrité pour croquer du Madelinot.

Ce qui m'irrite, ce n'est pas non plus de savoir qu'un Anglais chantera sur les Plaines pour le 400e de Québec, première ville française d'Amérique.

(Bon, oui, ça me fait un peu tiquer, quand même)

Non, ce qui m'irrite, c'est que ce soit cet Anglais-là!

La visibilité

Paul McCartney, Paul McCartney, c'est bien beau, mais musicalement, c'est un fossile, un fossile légendaire, soit, mais un fossile quand même. C'est quoi, son dernier vrai hit, à Sir Paul? Si on exclut Say, Say, Say, son duo avec Michael Jackson, il y a 25 ans?

Pouvez-vous me nommer trois de ses albums depuis 25 ans, comme ça, là, tout de suite? O.K., on va faire ça facile: pas trois albums, disons trois chansons

Hein?

C'est ce que je pensais. Vous donnez votre langue au chat.

Oui, oui, oui, c'est un Beatle. Je sais, yeah, yeah, yeah. Ils se sont séparés il y a 38 ans, les Beatles. Revenez-en.

On dira que ça va donner une belle visibilité à Québec. Ils disaient tous ça, hier. Ça va donner une belle visibilité à Québec!

On disait la même chose des championnats aquatiques de la FINA, il y a quelques années. Souvenez-vous, il fallait absolument sauver ces jeux en faillite avant même le premier plongeon, afin d'assurer la visibilité de Montréal à l'étranger.

On me disait ça et je répondais: les derniers championnats de la FINA, c'était où?

Oups. Yeux vitreux. Bouches ouvertes. Disques durs «jammés».

Personne ne pouvait me le dire. (C'était à Barcelone.)

Là, on commence à dire la même chose pour McCartney sur les Plaines. Ah, la visibilité que va apporter Paul McCartney à Québec! Il va ouvrir ses Samsonites dans la suite royale du Château Frontenac, Sir Paul, et pouf, Québec sera dans les mêmes ligues que New York, Paris, Milan.

M. Gélinas, dans Le Soleil: «C'est plus qu'un show. C'est vraiment de donner une notoriété internationale instantanée à Québec. Tout le monde va en entendre parler, tout le monde va savoir que McCartney est à Québec, et pourquoi il est à Québec. Et ça, ça vaut de l'or.»

O.K. C'était où, son dernier show, à McCartney?

Hein?

Tss, tss. Posez cette souris. Vous n'avez pas le droit de «googler», quand même.

Réponse: c'était à Kiev, à la mi-juin. Et ne me faites pas croire que vous le saviez

Maintenant que vous savez ça, dites-moi, brûlez-vous d'envie d'aller visiter Kiev?

C'est ce que je pensais. Eh bien! dites-vous bien qu'il n'y a pas un Ukrainien qui va visiter Québec cet été, ou l'été prochain, ou celui d'après, because McCartney. Parce qu'ils seront aussi indifférents au show de McCartney que vous l'avez été quand celui-ci a joué à Kiev.

Miroir, miroir

Ce qui désespère, c'est qu'on s'excite comme ça. L'écho du souvenir des Beatles résonne encore au XXIe siècle, bien sûr. Cela a à voir, un tantinet, avec la Beatlemania. Mais si peu. Cela a tout à voir avec un désir de reconnaissance.

Il y a 400 ans, les Blancs donnaient des miroirs aux Iroquois. Ceux-ci étaient fous de joie. Ils se voyaient dans le reflet: j'existe!

Eh bien, 400 ans plus tard, c'est juste le miroir qui a changé. C'est celui de la notoriété. On parle de nous dans Le Monde, on se voit à CNN: j'existe!

McCartney vient à Québec? Québec existe. Québec compte. Québec est «visible».

Ah, là, ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit. Je ne suis pas en train de vous dire que les gens de Québec sont provinciaux. Montréalais, nous sommes pareils, quand Madonna annonce une tournée mondiale et que le Centre Bell n'est pas un de ses pit-stops. On s'offusque. On se rebiffe. On bougonne.

Puis, elle se ravise! Madonna va arrêter à Montréal! Deux soirs!

Là, on ne se peut plus, on existe, on ajuste nos perruques

Montréal, Québec, même réflexe légèrement risible: nous existons surtout quand l'Étranger venu de loin, de préférence l'Étranger jet-setter, débarque en nos terres.