«C'est aujourd'hui que je fais mon jardin! Je vais planter des tomates!»

Ma mère nous lance ça un samedi matin, au déjeuner. Mon père hoche la tête: «Où tu vas faire ça? Y a pas de place!

- Entre les deux maisons, en arrière!»

Entre les deux maisons, en arrière!? C'est large comme un trottoir. Si on exclut la partie qui appartient au voisin, c'est large comme... Comme ma mère. Qui est toute petite. Mon père est découragé: «Y a jamais rien qui va pousser là. Y a même pas de soleil.

- Y en a un peu.»

Un peu, peut-être, entre midi et midi et quart. Et ça, c'est quand le voisin du deuxième n'est pas sur la galerie pour faire de l'ombre à cette lanière de gazon.

«Viens-tu avec moi chez W.H. Perron ou j'y vais à pied?»

Mon père lève les yeux au ciel et ramasse ses clefs. Il y va. Ça doit faire trois ans qu'il décourage ma mère de faire un jardin en arrière. Aujourd'hui, il est à court d'arguments. Maman l'a eu à l'usure. Il laisse pourtant tomber un dernier commentaire en montant dans l'auto: «C'est du gaspillage de temps et d'argent!»

Deux heures plus tard, ma mère revient avec tout ce qu'il lui faut. Et elle se met à l'ouvrage. À genoux dans sa mauvaise herbe. Elle ajoute de la nouvelle terre. Met de l'engrais. Puis plante ses plants de tomates. Dix petits plants de tomates tout frêles. C'est à peine si on les voit, dans l'ombre.

Le projet fait bien des mécontents. Mon père, qui, comme toujours, est contre tout. Mon frère et moi, qui venons de perdre l'endroit où nous mettions le troisième but lors de nos matchs de baseball dans la ruelle. Maintenant, il faut déménager notre équipe pour ne pas détruire l'environnement. Le Jardin botanique envahit le Stade olympique.

Ma mère a passé son été à s'occuper de son jardin nain. À l'arroser, à ajouter des vitamines, à le regarder, à lui parler. Et nous, on a passé notre été à rire de ses tomates. Elles étaient grosses comme des pois. Des petits pois. Pas une journée ne passait sans que mon père laisse échapper: «Je te l'avais dit.»

L'année suivante, ma mère tient à récidiver.

«Ben là, t'as pas eu ta leçon? T'aurais plus de chances si tu les plantais sur la lune!

- L'année dernière, il a trop plu. Les récoltes ont été mauvaises partout au Québec. J'ai pas été chanceuse.»

Une autre tournée chez W.H. Perron. Un autre après-midi à planter des tomates en enfer. Un autre été à jouer au baseball dans la cour d'école en avant.

Chaque fois que ma mère fait un sandwich aux tomates à mon père, il ironise: «Elles viennent de ton jardin?» Et ma mère ne répond pas. Cette année, elles sont un peu plus grosses. Une balle de ping-pong. Mais elles ne sont ni vertes, ni rouges, elles sont d'une couleur étrange. Brunes, mauves, grises, on ne saurait dire. Elles sont d'une couleur qui n'existe pas. La couleur des tomates inexistantes.

Il aura fallu quatre ans à ma mère. Quatre ans de bêchage et de gossage, avec une petite pelle aussi dure que sa tête. Mais un été, ses tomates ont commencé à pousser.

«Regardez mes tomates, elles s'en viennent! Encore un mois...Encore 15 jours...Encore une semaine...»

Que s'est-il passé? On ne sait pas. C'était toujours la même parcelle de terre le long d'un mur pas ensoleillé. Est-ce toutes les tomates qui y sont mortes qui ont rendu la terre propice au miracle de la nature? Un cimetière qui donne la vie. Ses tomates étaient vertes. Vert tomate. Et elles rougissaient. Comme les vraies.

Ma mère compte les heures avant de cueillir sa première tomate à vie, sa première tomate à elle. Elle le ferait bien tout de suite, mais elle veut être certaine qu'elle sera bonne et juteuse. Juste à point. Pour la servir au bon moment, dans le sandwich de mon père. Et pendant qu'il savourera sa tomate, elle savourera sa victoire. Elle lui fermera le clapet, la bouche pleine.

C'est aujourd'hui. Ma mère descend l'escalier de la galerie avec son petit panier...La tomate a disparu. Sa plus belle, sa plus grosse, kidnappée. Heureusement, il y en a une sur la branche à côté qui sera mûre demain. Ma mère retourne le lendemain. La tomate du jour a foutu le camp. Et celle du lendemain ne sera plus là demain. Et celle du surlendemain non plus. Ma mère est dans tous ses états. Si proche du but. Ça doit être les écureuils. Mais quels connaisseurs! Ils choisissent quotidiennement la plus mûre, la plus appétissante, et ne touchent pas aux autres.

Maman se résigne à en décrocher une encore un peu verte. Elle finira de mûrir dans la cuisine au bord de la fenêtre. Le lendemain, encore volatilisée. Maintenant, on sait qui est l'écureuil.

Tous les matins, mon père, avant de partir pour le bureau, cueillait la plus belle tomate du jardin pour son lunch du midi. Sans le dire. Voilà une semaine que ma mère a gagné sans le savoir.

Le soir au souper, ma mère lui demande: «Pis, mes tomates?

- Pas pires...»

Quatre ans d'humiliation pour un «pas pire». Mon père est un homme de peu de mots. Mais à partir de ce jour, ce fut lui qui arrosa le jardin de ma mère. Et, le printemps venu, c'est lui qui s'empressait d'aller chercher les plants. Car plus grand que son pessimisme chronique était son appétit pour une tomate bien fraîche.

Les tomates de ma mère n'avaient pas besoin de soleil. Elles avaient ma mère.

Comme mon père.

Pour joindre notre collaborateur: stephane@stephanelaporte.com

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