Dernier bilan. Le plus difficile à coucher sur papier. Pourtant c'est celui dont je rêvais d'écrire depuis longtemps. Je ne sais pas pourquoi, mais j'ai repoussé sans cesse l'échéance. Je savais que je devais le faire pour tourner la page. Pas que je ne veuille pas passer à autre chose, loin de là, seulement écrire mon dernier bilan me projette dans l'inconnu. La suite, celle que je ne connais pas, celle que je ne maîtrise pas.

Au cours de la dernière année, je me suis laissé guider par les innombrables rendez-vous et séjours à l'hôpital ainsi que les traitements de radiothérapie et de chimio. J'avais peu d'emprise sur mon agenda. J'étais comme une enfant qui tient la main de sa mère et qui se laisse mener. Pour ceux et celles qui me connaissent, je vous vois sourire! Pas facile pour Prévost qui prévoit tout! Mais détrompez-vous, j'ai lâché prise assez facilement. Question de survie, j'imagine. Pour guérir, il faut accepter de se laisser guérir.

J'ai changé au cours de la dernière année. Ce qui fait que je suis maintenant en phase de crise identitaire! Le cancer, cette maladie qui tue bien souvent, ne laisse personne indifférent. L'après-cancer a été une période extrêmement déroutante pour moi. La fameuse question: «Pourquoi moi?», je ne voulais pas me la poser sérieusement. Je ne voulais pas jouer à la victime.

Jusqu'à ce jour de décembre dernier, où l'on m'a perforé les intestins lors d'une colonoscopie de routine. Une chance sur 1500 que ça arrive. Après un diagnostic de cancer rare, je gagnais encore une fois à la loterie des pas-chanceux! La question s'imposait cette fois: «Pourquoi moi?». Gros ménage rempli d'émotions, retours dans le passé, sur les choix que j'ai faits, ce que j'ai accompli.

J'ai combattu un cancer de stade 3C et je suis passée à quatre heures de mourir à cause d'une colonoscopie ratée. Il y a de quoi se poser des questions. Je réalise maintenant que j'avais le billet gagnant. Mon prix, c'était la vie. À moi de choisir celle que je veux vivre. De là ma crise d'identité!

Lors du dernier bilan en juillet, je venais de subir mon opération où on m'avait enlevé plusieurs morceaux et où on m'avait fait une stomie temporaire. Survol rapide depuis ce temps: j'étais censée me faire réopérer en octobre pour refermer la stomie. En accord avec mon chirurgien, j'ai finalement décidé de reporter l'opération en janvier, question de reprendre le maximum de force. Comme mentionné, j'ai passé une colonoscopie le 19 décembre où on a perforé mes intestins. Bien que j'aie exprimé des douleurs anormales et que je vomissais, on m'a quand même laissé repartir chez moi! Le 22 au matin, paralysée partiellement du côté droit, j'ai été conduite à l'urgence par mon conjoint Luc où on m'a fait passer un rayon X pour ainsi constater l'étendue des dégâts. Je devais être opérée subito presto.

Après maintes supplications, on a accepté de signer mon congé le 24 décembre en fin de journée. Triste Noël. Je dirais même à la limite du réel, lorsque le 25 en fin de matinée, enfin réunis autour du sapin pour ouvrir les cadeaux, on sonne à la porte: l'infirmière du CLSC venait changer mes pansements! Il fallait voir la mine dépitée de Luc et des enfants! Bref, un Noël qui passera à l'histoire, mais pas pour les bonnes raisons!

On a finalement refermé ma stomie le 14 février. N'ayez pas pitié, j'ai choisi la date moi-même! Une Saint-Valentin avec mon beau chirurgien! Je lui avais même préparé un valentin «J'aime mon chirurgien!» avec un coeur en chocolat! Inutile de vous dire que j'ai fait rire toute l'équipe en place! Pauvre Luc, il n'a pas eu de valentin cette année!

Mon séjour devait être de trois jours, mais comme je ne fais jamais les choses à moitié, je suis restée huit jours! Quelques complications ont fait que j'ai dû vivre 55 heures avec un tube inséré par le nez qui drainait le contenu de mon estomac! Du plaisir, je vous dis! Sans compter la plaie qui ne finissait pas d'être laide et ne voulait pas se refermer! Disons que les relevailles de cette troisième opération en huit mois ont été pénibles. Je dois avouer que si je ne suis pas de retour à mes cours d'aérobie après trois semaines de convalescence, je frôle la dépression majeure avec pensées suicidaires! Mon beau chirurgien a dû me sermonner et m'expliquer encore une fois que trois semaines et trois mois ne sont pas synonymes!

Alors me voilà après quatre semaines, de retour à mes cours d'aérobie, sans compter la chorale que j'ai abandonné seulement deux semaines. Je n'ai pas eu à me greffer de toilette au derrière, bien qu'il y ait des journées où j'aimerais pouvoir le faire! Il y a encore des journées où mon corps n'accepte plus la douleur et où je voudrais disparaître! Courageuse, oui, mais humaine avant tout!

Je tourne maintenant la page. J'ai appris énormément de cette aventure. J'espère que toute cette quête me conduira vers une vie renouvelée. Que je saurai me servir de passé pour reconstruire l'avenir, et surtout, que je choisirai de vivre ce dont j'ai envie. Maintenant, il ne me reste plus qu'à décider ce que je veux faire! Crise d'identité, je vous dis!

Si un jour vos rêves tournent au cauchemar, rêvez plus! L'espoir tout comme l'humour sont d'excellents carburants. Et n'oubliez jamais que vous êtes plus grand et plus fort que votre pire cauchemar.

Bonne et belle vie!