Ces derniers jours, j'ai vu passer une vidéo sur les aidants familiaux et le crédit d'impôt. Quand j'ai pris le temps de la regarder, vous ne pouvez même pas imaginer comment j'étais révoltée!

En cette saison des impôts, je me suis dit que j'y apprendrais peut-être de bonnes choses, et qu'étant la seule aidante de mon père très malade et la maman de deux enfants «différents», on y parlait probablement de moi et on y reconnaissait mon travail quotidien.

Il y a un an, on a appris que mon père était atteint de la sclérose latérale amyotrophique (SLA), une maladie dégénérative, qu'il lui restait probablement de 6 à 18 mois à vivre, qu'on ne pouvait rien faire pour arrêter la maladie et ses ravages. Depuis, on a dû lui retirer son auto, le sortir de force de sa maison, homologuer son mandat d'inaptitude, aménager sa nouvelle chambre dans un CHSLD, le rassurer, le visiter, lui acheter ce dont il a besoin qu'on ne lui offre pas là-bas (pansements pour son nez, gouttes pour les yeux, dentifrice spécial, etc.).

Je dis «on», mais dans les faits, je suis seule la plupart du temps. Mon frère demeure à 12 heures de route et mon père est séparé de sa dernière conjointe. Mais moi, contrairement à la dame de la vidéo, je ne suis pas une jeune professionnelle sans enfant. Pour y arriver, j'ai dû prendre deux congés de maladie. Mes enfants me supplient de ne plus appeler mon père parce que je pleure toujours après, en faisant sa comptabilité.

Mes enfants sont nés avec des petits extras. Ma fille fait de l'épilepsie, mes deux enfants sont atteints de différents troubles neurologiques (dyspraxie, dysphasie, TDAH...) qui affectent leur vie à différents niveaux. Ma fille va dans une classe spéciale alors que mon fils est intégré dans une classe «normale». Mais au quotidien, ils doivent faire de gros efforts, ils auraient besoin de faire de la rééducation en orthophonie et en ergothérapie chaque semaine. Or, ces services ne sont pas toujours disponibles au public. Et au privé, ça coûte environ 100$ l'heure pour chaque spécialiste, sans parler du salaire que nous perdons pour les accompagner.

Bref, ce n'est pas drôle. Ni facile. Ni agréable. Ni d'avoir des parents âgés et malades, ni d'avoir des enfants malades ou handicapés.

Quand j'ai su qu'il existait des crédits d'impôt pour aidants familiaux, j'ai pensé qu'enfin, on reconnaissait une partie de mon travail, une partie de mes dépenses qui ne sont pas des luxes, mais des obligations.

En écoutant la vidéo, j'ai appris que j'avais peut-être droit à un crédit d'impôt maximum de 300$ et qu'avec ces sous, je pourrais même acheter une nouvelle marchette pour mon père!

En une seule année, ça me coûte plus de 300$ en frais de stationnement dans les différents hôpitaux où sont soignés mes proches.

Est-ce qu'un chèque ferait une grosse différence? Non. Mais pourquoi je me plains alors?

Parce que ce crédit de 300$, auquel je n'aurai pas le droit même si je suis l'aidante familiale de trois personnes qui dépendent de moi, et surtout le ton de la vidéo, me donnent l'impression qu'on rit de moi, qu'on banalise mon travail et toute l'énergie que je dois mettre pour entourer mes proches.

Je ne veux pas de pitié, mais être reconnue et encouragée, oui. Et dans cette campagne du gouvernement fédéral, c'est plutôt l'effet inverse qui se produit. Prendre la tribune ici aujourd'hui est un premier pas vers cette reconnaissance qui n'existe pas présentement.

Nous avons d'énormes besoins, nous vivons de grandes détresses au quotidien et une petite tape sur l'épaule, une fois de temps en temps, ferait toute une différence.