J'étais en voiture avec un copain l'autre jour, nous suivions un automobiliste dont la voiture débordait sans cesse de la voie. Je dis à mon ami que conduire saoul comme le conducteur inconscient d'en face est un geste vraiment méprisable. Il me répond que d'après lui, ce conducteur n'est pas saoul, mais bien en train d'écrire des messages textes.

Nous en avons bientôt le coeur net puisqu'au bout de quelques minutes, la voiture ralentit et offre en spectacle un jeune homme d'environ 30 ans ayant les yeux sur ses cuisses, une main sur le volant et l'autre posée sur ses jambes, tenant soit un breuvage nécessitant bizarrement beaucoup d'attention, soit un petit gadget capable de tuer une famille entière en moins de temps qu'il n'en faut pour crier «texto».

«Quelle est la peine pour une première offense de conduite en état d'ébriété?» ai-je demandé à mon ami. «Une amende de 600$ au moins et perte de permis allant d'une à trois années», s'empresse-t-il de répondre. «Et quelle est la peine pour conduite en état de "textage" ?», ai-je poursuivi. «Une amende de moins de 100$ et trois points d'inaptitude, enfin, ajoute-t-il. En assumant qu'un agent de police prendra même la peine de réprimander l'automobiliste...»

Je lui pose ensuite une question que je sais stupide, puisque la réponse y est on ne peut plus évidente: «Dis-moi, tu préférerais conduire sur une route où chacun est saoul ou sur une route où chacun texte?»

«Franchement, Dany! Tu n'y penses pas? Conduire sur une route où tout le monde texte, c'est de la folie! La personne qui conduit en état d'ébriété devrait perdre son permis sur le champ pour plusieurs années, un point c'est tout. Cela dit, malgré ses réflexes diminués, elle a sans doute les deux mains sur le volant, les deux yeux sur la route et une bonne partie de sa tête. Si un piéton a à cet instant le malheur de surgir devant cette voiture, les chances qu'il échappe à un sort tragique sont minces, mais elles sont là. Qu'arrive-t-il au piéton qui surgit soudainement en face d'une voiture dont le conducteur est en train d'écrire à un ami ce qu'il a mangé pour déjeuner? Ce pauvre passant ne verra sans doute même pas son meurtrier tenter une manoeuvre de dernière seconde.»

Il y a des raisonnements si simples dans la vie qu'on se demande comment il se fait que d'autres n'arrivent pas à les suivre. Mais qu'attend-on pour rendre la loi plus sévère? Les gens qui envoient des textos au volant devraient perdre leur permis de conduire pour plusieurs années, ce serait vraiment la moindre des choses.

C'est tellement logique qu'assurément, un jour, la loi sera comme ça, n'est-ce pas? Je ne crois pas. Avant que les personnes ayant le pouvoir de faire quelque chose agissent, les voitures se conduiront toutes seules et on pourra envoyer autant de messages textes qu'on veut.

Eh oui, malheureusement, j'ai la triste certitude que l'élément déclencheur d'un changement dans la loi ne sera pas ce texte, mais plutôt le brassage médiatique dont feront un jour l'objet les morts insensées de deux ou trois familles, dans le même mois, des suites de collisions frontales avec des voitures qui s'en venaient en sens inverse et dont les conducteurs avaient les deux yeux sur les cuisses, une main sur le volant et l'autre posée sur les jambes, tenant un petit gadget capable de tuer une famille entière... en moins de temps qu'il n'en faut pour texter «Idiot!».