En avril dernier, on m'annonce: «Madame, vous avez un cancer du sein stade 2. Nous allons devoir vous enlever le sein gauche.» Et vlan, je suis en état de choc. Moi, pourquoi?

J'ai 37 ans, trois enfants que j'ai allaités, je ne fume pas, je ne fais pas d'embonpoint, je ne bois pas. Pourquoi moi? Car la vie, c'est aussi ça, des événements non prévus qui surgissent et qui transforment notre vie.

Mais dans mon malheur, j'avais aussi une chance, j'avais le cancer rose, celui qui se traite bien, celui dont on parle partout, celui qui attire la sympathie.

On me rassure, certains spécialistes banalisent aussi parfois ma situation: «Un cancer du sein, ce n'est pas la fin du monde, c'est juste un sein, et on va le reconstruire.»

Et pourtant... Lorsque pour la première fois, on le vit au quotidien, je peux vous dire que la vie n'est pas rose. Perdre un sein, c'est perdre une partie de sa féminité, c'est voir son corps se transformer et devoir s'habituer à un nouveau regard, le sien, celui de son amoureux et de ses enfants.

C'est aussi envahir son corps de drogues fortes qui font tomber nos cheveux, qui sucent notre énergie, qui envahissent notre moral. On se sent alors englouti par une vague de laquelle on tente d'émerger. On se transforme au cours de ces mois dans les hôpitaux, on apprivoise notre état, on s'habitue et on finit par accepter. On devient combattante, on veut vivre et on veut que la maladie nous transforme et vienne changer le cours de notre vie de façon positive. Alors là, oui, on veut mettre des lunettes roses pour voir autrement.

Par contre, je suis d'accord que le cancer du sein, tel qu'il est présenté dans les médias, prend souvent une image de beauté. On voit sur des photos des femmes heureuses, belles, bien dans leur peau, comme si la maladie n'existait pas. Comme si nos pleurs, nos moments de déprime et de colère, notre teint pâle et notre fatigue n'étaient pas réels.

On croit aussi que c'est dans les produits de beauté, les perruques et le maquillage que l'on va arriver à passer au travers. J'ai moi aussi pensé que cela allait m'aider à accepter, à vivre la maladie et à avoir le sourire comme dans les revues.

Aujourd'hui, je peux dire que j'ai choisi de vivre avec l'image du cancer comme elle est. Je n'ai pas porté la perruque, je n'ai pas caché mes cernes et mis du rouge sur mes joues. C'est le regard de mes enfants et de mon amoureux qui m'a aidé à passer au travers des six derniers mois. C'est le soutien de mes parents qui m'a poussé à ne pas baisser les bras. C'est la solidarité de mes amis qui m'a aidé à ne pas sombrer dans la déprime.

Qu'il soit rose, bleu, rouge, le cancer ou la maladie se vit mieux lorsque nous avons la chance d'être entourés et acceptés comme nous sommes. C'est le soutien qui fait la différence dans le combat. Le reste, ce sont des béquilles que l'on peut utiliser dans les creux de la vague.

Merci Emma, Clara, Antoine, Frédéric, maman, papa et tous mes amis. Merci d'avoir été mes lunettes roses et de m'avoir permis de voir la vie en rose alors qu'elle sombrait dans le noir.