Il suffit de dire «Nouvelle-Calédonie» pour que naissent à votre esprit des images de paradis: un lagon turquoise, le soleil, les poissons multicolores. «La vie pourrait être pire»: c'est ce qu'on nous dit souvent pour nous rappeler notre grande chance.

Elle le devient quand on a le cancer. Il y un an et demi, ma voisine Geneviève déposait ses valises avec son mari et ses quatre enfants sans se douter qu'elle allait devoir mener le combat de sa vie.

Lors d'une visite chez le médecin avec son plus jeune pour une otite, elle en profite pour mentionner que ses seins lui font mal. Probablement une mastite, une inflammation de la glande mammaire. «Mastite? Nous allons plutôt faire une mammographie», lui dit l'omnipraticien.

À partir de ce moment, les résultats déboulent : cancer inflammatoire, une forme rare qui vous surprend telle une gifle envoyée d'on ne sait où.

Geneviève se lance tête baissée dans cette bataille. Elle fait de son cancer sa bête féroce qu'elle sort partout. Je l'ai déjà vue faire ses courses le sourire aux lèvres et le crâne dégarnie. Une façon de briser le tabou lié à la maladie : afficher sa rage de vivre et la communiquer aux autres.

Après la double mastectomie, c'est la chimiothérapie et la radiothérapie. Geneviève confie sa grande souffrance à sa famille sans toutefois se décourager. «Le nouveau cocktail appelé bombe atomique par mon cancérologue m'a littéralement fait connaître l'irréaliste abîme de la souffrance. À chaque fois, je renaissais encore plus investie dans ma vie où tout s'illuminait à nouveau!»

En juillet dernier, Geneviève est allée refaire le plein au Québec pour y manger des fraises, boire la pluie, s'étonner du soir qui tombe vers 21 heures... Pour y souffler les bulles de bonheur avec sérénité.

Mère Courage est revenue en brousse depuis. Lorsque j'entends ses enfants qui courent et crient en jouant à cache-cache, je les sens heureux et... confiants. Cette confiance, ils la doivent à la force de leur maman. Une force aussi grande que la barrière de corail qui ceinture notre beau pays. Les vagues peuvent bien se déchaîner dans des bouillonnements d'écume, il restera toujours un endroit tranquille à l'intérieur du lagon où on peut plonger sans avoir peur d'être emporté par les flots tourmentés.

Avec une pointe d'autodérision, elle pose ses mains sur sa poitrine pour mettre en valeur son joli corsage. C'était, il n'y a pas si longtemps, une blessure. C'est devenu la marque de la survivante.

Une marque qu'elle a bien évidemment révélé à toute la famille, enfants et mari. Geneviève partage leur réaction :

«Lors du moment crucial de révélation de mon nouveau torse, Damien a dit du haut de ses 3 ans: ils sont petits maintenant, tes seins!»

Dans toute sa perspicacité, Ophélia a répliqué:

«T'en fais pas maman, ils vont repousser!»

Tandis que mon bon Xavier à l'âme si charitable pour sa petite maman, a répondu d'un ton agacé en regardant ses cadets: «On ne dit pas ça à sa mère!»

Et pour évidemment sauver la situation, l'aînée Rosalie a pris la parole avec tout le dynamisme que je lui connais: «Maman, tu te rends compte, tu t'es fais enlever ton cancer? Tu n'as plus de cancer maman !»

Pendant tout ce temps, mon tendre chéri reste contemplatif face à l'image de sa précieuse petite Geneviève et rajoute avec toute son affection sincère habituelle mais avec une honnêteté étonnante : «Ce n'est pas si laid que ça! C'est même beau!» Beau et infiniment inspirant.