Il y a quelques jours, dans un élan de candeur, nous est venue l'idée d'aller contempler les lanternes chinoises le soir au Jardin botanique de Montréal. Une petite activité en famille, comme dans le bon vieux temps, vous voyez?

Bien entendu, on ne pouvait s'attendre à avoir les lieux à nous seuls, étant donné qu'il s'agissait de la première journée où on recevait les visiteurs pour cette activité. Il était évident qu'il y aurait foule, qu'on se pilerait un peu sur les pieds, et que les enfants allaient courir partout, chose tout à fait légitime. Mais permettez-moi de me plaindre d'une chose que j'ai trouvée, ma foi, plutôt aberrante: les photographeux.

J'aimerais dire à tous ces détenteurs d'appareils numériques compacts: inutile d'utiliser votre foutu flash. Soit! Vous êtes dans la noirceur. Mais ce que vous êtes en train de photographier (à outrance!) est une source de lumière. Ce qui veut dire que, avec votre flash, la seule chose que vous faites, c'est dénaturer le contraste recherché entre la lanterne et le reste du décor (et aveugler les gens qui sont là pour regarder et profiter du moment).

Ensuite, j'aimerais m'adresser à la plupart des détenteurs de cellulaires, d'iPhone, d'appareils compacts et de n'importe quel autre machin qui peut filmer et prendre des photos n'importe où et n'importe quand (en espérant qu'on ne se rendra jamais aux lunettes ou au four micro-ondes...). Écoutez bien ce que j'ai à vous dire, c'est très important: vous avez des yeux qui sont assez efficaces pour regarder le réel. C'est-à-dire que vous n'avez pas besoin de mettre un écran ou une machine entre vous (votre regard) et la réalité. N'est-ce pas merveilleux? Et de plus, ça risque d'être dans une résolution HD" (plus de couleurs, de textures, de profondeur, avec focus ajustable). Ah oui, j'oubliais! En prime vient la stéréophonie, la vraie, celle qui bat même le surround. Et on ne parle pas des effets olfactifs! Ça, c'est de la bombe.

Trêve de plaisanterie. Ce que j'essaie simplement de vous dire, c'est qu'il serait temps que l'homme se rattrape face à la technologie. Dans le sens où on devrait arrêter de s'émerveiller devant la façon dont on peut maintenant capturer les beaux moments, et qu'on en profite vraiment, au présent. Arrêtez de tout filmer, de tout photographier.

Allez-vous vraiment regarder à nouveau ces souvenirs? Si vous êtes en train de cadrer une lanterne, allez-vous pouvoir en même temps sentir l'odeur des plantes qui s'habillent de rosée à côté de vous? Allez-vous sentir la brise qui vous frôle? Allez-vous entendre les rires des enfants qui jouent des mauvais tours? Allez-vous, tout simplement, profiter du moment? Je crois que non. La prochaine fois, prenez donc un temps pour contempler, réfléchir et apprécier, vraiment.

L'auteure est étudiante en cinéma à Montréal.