Le mois dernier, un juge de la Chambre criminelle de la Cour du Québec a imposé une peine de plusieurs années de pénitencier à un homme du Bas-Saint-Laurent qui s'était reconnu coupable de crimes de nature sexuelle. Ceux-ci ont été commis dans les années 90 contre des adolescentes. L'auteure du texte est l'une de ces victimes, qui s'adresse ici à la mère de son agresseur. Nous avons choisi de taire son nom, de même que celui du condamné.

J'aimerais pouvoir m'excuser, j'aimerais pouvoir panser vos blessures, mais je ne peux rien faire sauf d'être avec vous en pensée et prier pour que vous soyez en mesure de passer au travers de cette éprouvante épreuve que vous avez vécue. Le prononcé de la sentence de mon agresseur, votre fils, est une lecture cruelle, irréelle et insensée pour vous et votre famille, mais ô combien réaliste et juste pour moi.

J'aurais aimé vous serrer dans mes bras, pleurer avec vous. Nous aurions pleuré, mais pas pour les mêmes raisons. Vous pleuriez votre fils, vous pleuriez comme une mère pleure la perte d'un enfant. En 45 minutes, votre vie a basculé, le magistrat vous dressant la longue liste des crimes commis par le fruit de vos entrailles. Nous pleurions, vous pour les fautes commises par lui, moi pour la fin d'une histoire qui durait depuis 18 ans.

Combien de fois j'aurais aimé pouvoir dire ce que votre fils m'avait fait subir. Vous dire qu'il était un salaud. Qu'il m'avait salie. Comment pardonner? Je ne pourrai jamais oublier la nuit où il m'a violée, souillée. Je ne pourrai jamais pardonner. Parce que pour pardonner il faut oublier. Moi, je n'oublierai jamais. Je devrai vivre avec ces images jusqu'à mon dernier souffle. Vous, vous aurez à vivre avec un fils fautif, un criminel condamné au pénitencier, avec un dossier criminel et dont le nom sera inscrit dans le registre des délinquants sexuels. Depuis le prononcé de la sentence, votre garçon n'a plus de vie, plus de nom. Moi, j'essaie de reprendre le contrôle de la mienne. Des dommages collatéraux il y en a énormément. Tout mon entourage et le vôtre ont écopé sans le demander, sans le vouloir. Le prix qu'il paie n'est rien à côté des vies qu'il a gâchées.

Consentante? Vous croyez vraiment que j'étais en état de consentir une fois son sexe en moi, dans ma bouche ou bien dans mes mains? Fin manipulateur, il savait comment procéder pour arriver à ses fins. Vie conjugale chaotique avec son ex? Était-ce une raison pour venir assouvir ses pulsions de prédateur sur moi et en moi? Pourquoi blâmer cette femme? Il est le seul responsable des gestes posés à notre égard. Personne ne lui a commandé d'agir ainsi ou a tenté de l'influencer. Comme un grand, il a pris la décision de venir me graisser. Tout ça pour une question de sexe. Parce que «Monsieur» disait ne pas être satisfait et frustré sexuellement parlant. Cet homme se défoulait sur moi.

J'aurais aimé pouvoir vous consoler, vous dire que c'est un cauchemar, mais la réalité est tout autre. Je ne pourrai jamais vous présenter mes excuses, car dans toute cette histoire, c'est sur moi et quatre autres jeunes filles que votre fils assouvissait sa frustration. J'aurais aimé vous dire simplement, mais tout est compliqué. En fait, la seule chose que je peux dire, c'est de vous souhaiter bonne chance. Pour moi, mon chemin de croix est fait, pour vous, il commence.

Vous m'avez fusillée du regard et cela m'a confirmé que vous étiez dans le déni le plus total. Maintenant vous devez accepter et me respecter. Depuis son départ pour le pénitencier il ne peut plus faire de victimes. J'ai utilisé la justice pour me faire entendre. Une justice infiniment cruelle pour la mère que vous êtes, une justice juste et équitable pour moi. Le silence a été brisé.

Je sais que vous êtes bien entourée, alors je me permets de dire que vous aurez la force de vous relever. Peut-être qu'un jour vous pourrez lui pardonner, car il restera toujours cet enfant tant aimé.