Je l'avoue, je suis gourmande. J'aime bien manger, recevoir et être reçue, découvrir de nouvelles saveurs et de nouveaux aliments. Apparemment, je ne suis pas la seule, si j'en crois le nombre incalculable d'émissions de téléréalité, de cuisine et de chaînes spécialisées qui ont littéralement pris d'assaut notre paysage télévisuel depuis quelque temps.  

Je l'avoue, je suis gourmande. J'aime bien manger, recevoir et être reçue, découvrir de nouvelles saveurs et de nouveaux aliments. Apparemment, je ne suis pas la seule, si j'en crois le nombre incalculable d'émissions de téléréalité, de cuisine et de chaînes spécialisées qui ont littéralement pris d'assaut notre paysage télévisuel depuis quelque temps.  

À notre époque de surenchère sensuelle, où la préoccupation principale semble être de jouir toujours plus et de toutes les façons possibles, ce boum gastronomique n'a rien d'étonnant et s'inscrit parfaitement dans le schéma compulsif de notre société de consommation. Qu'on célèbre la bouffe dans ce qu'elle a de festif, de convivial et d'épicurien ne me dérange nullement, bien au contraire. Je crois qu'il faut savoir profiter des bonnes choses de la vie et les apprécier à leur juste valeur.  

Ce qui me rend mal à l'aise, par contre, c'est la tournure pointilleuse que prend peu à peu notre rapport à la nourriture. Sous prétexte d'excellence et de raffinement, nous nous mettons à faire la fine bouche sur des plats tout à fait corrects et sains.  

Quand j'entends un chef critiquer avec dédain un poisson qui a cuit 30 secondes de trop, quand j'en vois un autre jeter à la poubelle un repas pour quatre personnes sous prétexte que le concurrent qui l'a concocté n'a pas utilisé la «bonne» huile d'olive, quand je regarde une table de six convives dénigrer systématiquement chaque plat que leur hôte empressé dépose devant eux, je ne peux réprimer un frisson devant tant d'inconscience et d'ingratitude.  

Nous avons le privilège de vivre dans une société d'abondance, de richesses et de confort. À force de ne plus avoir à lutter pour notre survie, nous oublions la chance inouïe qui est la nôtre de pouvoir manger à notre faim tous les jours. Ce luxe, que la plupart d'entre nous considèrent comme un dû puisqu'il ne nous a jamais fait défaut, est un combat de tous les instants pour des millions de gens sur la planète. Quand on a de la difficulté à nourrir ses enfants, on se fout de savoir si les pâtes sont al dente ou non.

Je ne suis pas naïve. Je sais bien que les chaînes de télévision mènent une lutte féroce pour se démarquer du lot, qu'elles doivent rivaliser d'audace pour attirer, attiser, voire provoquer les téléspectateurs. Je sais aussi que l'engouement collectif pour les compétitions qui font l'énorme succès des émissions de téléréalité est à son paroxysme. Mais je crois que les médias ont une part de responsabilité dans les valeurs qu'ils véhiculent. Et il y a des limites à tout justifier par la volonté de mousser ses cotes d'écoute.

Nous n'avons pas à nous sentir coupables d'être nantis, ce n'est pas de notre faute si «nous sommes nés du bon bord», comme le chantait Luc De Larochellière. Mais apprécions-le, au moins, soyons reconnaissants au lieu de gâter la sauce avec nos petits caprices de personnes rassasiée.