Je rentre à la maison après le travail. Il y a deux messages sur mon répondeur. Un premier que m'adresse ma mère pour m'inviter à la rappeler, puis un second où, se ravisant, elle reporte notre conversation au lendemain. «Je m'absente pour la soirée, j'ai un souper, il faut que je me prépare. Bye.»

Ma mère vit seule. Elle conduit sa voiture, cuisine italien, va à l'opéra, multiplie les «luncheons» au restaurant avec ses amis ou les reçoit à la maison. Elle passe une bonne partie de la journée à planifier ses activités au téléphone et à se préparer pour y participer. Quand elle ne sort pas - ce qui la désole profondément -, elle se rabat sur des romans où chaque page apporte un nouveau rebondissement. Les livres, elle les dévore, mais «il faut que ça finisse bien». L'histoire de ma mère est celle d'une dynamo: une énergie légendaire qui peut même parfois, avouons-le, s'avérer étourdissante.

 

Pourtant, au printemps dernier, les étincelles se sont graduellement éteintes dans son regard. Le souffle court, elle passait d'un fauteuil à l'autre, plus grand-chose ne lui faisait envie, pas même les histoires qui finissent bien. Les escaliers, elle évitait. Elle ne se déplaçait plus de ce pas précipité qu'elle avait adopté pour faire jeune. Ma mère était vieille. Ma mère avait peur.

Le rétrécissement de la valve aortique lui pesait lourd et lors d'une visite à l'Institut de cardiologie, on a décelé un taux de fibrillation auriculaire critique. Alitée aux urgences, son coeur a cessé de battre. On a tous eu peur. Le remplacement de la valve s'est avéré non seulement incontournable, mais urgent. Le 25 août, le célèbre chirurgien Michel Pellerin et son équipe ont procédé à l'intervention. Avec succès!

Ma mère a repris sa routine: se réveiller chaque jour avec de nouveaux projets. Elle n'a plus peur. Elle répète que l'Institut de cardiologie a une réputation mondiale et se targue d'avoir été soignée par les meilleurs cardiologues au monde et c'est sans doute vrai.

J'avais tenu pour acquis ces messages quotidiens sur mon répondeur. Je croyais qu'il y en aurait toujours un pour m'accueillir en rentrant chez moi. Mais la vie étant si fragile, comme dit Luc De Larochellière, j'ai failli perdre ce privilège...

Je remercie le Dr Michel Pellerin et les membres de son équipe, je remercie tous les soignants et soignantes qui ont entouré ma mère avec tant d'égards et de professionnalisme. J'ai retrouvé ma mère, heureuse et active. J'ai renoué avec le plaisir d'avoir un message qui m'attend en rentrant.

Ma mère a 88 ans et elle revit. C'est exactement la retraite que je me souhaite.

Diane Fabi

L'auteure réside à Saint-Lambert.