Il se vend beaucoup de rêve au sujet du métro dans la campagne électorale municipale à Montréal.

On ne veut pas jouer au grincheux. Tant mieux si les candidats pensent au nécessaire développement à long terme des transports collectifs. Tant mieux s'ils provoquent des débats. Leur ambition change de la myopie.

N'empêche qu'il y a quelque chose d'un peu étrange à voir Projet Montréal et la Coalition Montréal promettre de nouvelles lignes de métro. Ils ont oublié un petit détail : ce n'est pas la Ville de Montréal qui décide. Le maire a perdu l'essentiel de son pouvoir.

Les candidats en parlent peu, mais il y a eu une petite révolution l'été dernier grâce à la création de l'Agence régionale de transport métropolitain (ARTM).

La planification du réseau a été centralisée et dépolitisée. Les maires ne la contrôlent plus, et c'est pour le mieux.

Pendant des années, la seule règle était celle de l'arbitraire. Chaque élu tirait la couverture de son côté. Il n'y avait pas de vision ou de cohérence, pas de contrôle des coûts, pas de respect des échéanciers.

Le meilleur exemple : le service rapide par bus (SRB) sur Pie-IX. À chaque étape du projet, il fallait que les maires et les agences de transport de Laval et de Montréal s'entendent sans oublier les arrondissement et le ministère des Transports. Résultat : même si le SRB a été promis en 2009, la construction n'a pas encore commencé.

C'est pour éviter de tels gâchis que la gouvernance des transports collectifs a été réinventée.

Le nombre d'agences de transport collectif dans la région passe de quinze à cinq, et leur mandat est resserré. Ils ne sont responsables que des services, et non de la planification. Finie, la cacophonie de ces 15 agences qui réinventent chacune le réseau sur leur petit coin de table, en fonction de leurs intérêts particuliers. Désormais, l'ARTM est la seule responsable de la planification du réseau (financement, tarification et développement). Et pour lui donner une vision d'ensemble, on l'a dépolitisée. Même si le maire de Montréal y siège, la majorité de ses administrateurs ne sont pas des élus, ce qui empêche de trancher en faveur d'un petit groupe par électoralisme. Le rôle de la Communauté métropolitaine de Montréal se limite à voter sur les politiques de l'agence. Alléluia.

PAUVRE LIGNE BLEUE !

Encore plus que le SRB Pie-IX, le prolongement de la ligne bleue stagne à cause de l'incohérence politique. À la fin des années 90, le gouvernement Bouchard « confirmait » le prolongement de la ligne bleue vers Anjou. C'était déjà à l'époque un « vieux dossier » - ce tracé avait été promis dans les années 80.

En 2009, le gouvernement Charest revient en arrière et crée un bureau de projet pour examiner quelle ligne de métro devrait être prolongée. En 2013, le gouvernement Marois choisit la ligne bleue. Puis lors de la campagne électorale de 2014, les libéraux proposent soudainement de prolonger la ligne orange pour relier les stations Côte-Vertu et Montmorency. Et l'improvisation se poursuit en 2015, quand le ministre Poëti revient au tracé de la ligne bleue vers Anjou... mais relance les études pour en faire un tram-train extérieur.

Après plus de 25 ans sans grand projet, quelque chose se passe enfin à Montréal. On se prépare à lancer le prolongement de la ligne bleue, le Réseau électrique métropolitaine (REM) et le SRB Pie-IX. Des chantiers de plusieurs milliards, pour lesquels on attend encore la première pelletée de terre.

Comme le résumait l'organisme Transport 2000 l'hiver dernier, il ne manque pas de projets. Il manque seulement un plan pour assembler ces blocs.

C'est dans ce contexte que surviennent les promesses des candidats à la mairie.

Valérie Plante de Projet Montréal veut ajouter une ligne rose, qui relierait Montréal-Nord au centre-ville. Les détails (coût, technologie, stations) devraient être dévoilés plus tard au cours de la campagne. Jean Fortier de Coalition Montréal veut quant à lui ajouter un autre prolongement de la ligne bleue, qui relierait le nord-est au centre-ville, nommé la ligne du savoir.

Tant mieux s'ils provoquent un débat sur le manque de services bien réel dans ces secteurs, et tant mieux s'ils osent rêver la métropole des prochaines décennies.

Mais on ne peut parler d'« engagement », car ce n'est pas le prochain maire qui décidera s'il faut une nouvelle ligne de métro. Depuis juin dernier, ce travail échoit à l'ARTM. Et ce n'est pas non plus le maire qui payera ; c'est le gouvernement du Québec.

L'ARTM vient tout juste d'adopter la politique de financement. Il lui reste maintenant à élaborer une politique de tarification et un plan pour le développement du réseau, attendu d'ici environ une année.

Voilà le travail qui attend la nouvelle agence. Elle travaillera mieux si on se souvient qu'elle existe.

DÉMÊLER LES SOLUTIONS

Faut-il miser encore plus sur le métro ? Le tramway ou le tram-train ? Les autobus ? Auparavant, les politiciens commençaient par promettre une solution vendeuse, puis commandaient les études qui la justifiaient. L'ARTM permettra d'inverser le raisonnement. Elle définira d'abord les besoins, puis cherchera la meilleure façon d'y répondre.

Par exemple, que faire de la ligne d'autobus 121 qui relie les stations Sauvé et Côte-Vertu, la plus achalandée de l'île ? Doit-on la remplacer par un SRB ou trouver une autre solution plus facile à implanter ?

QUI DOIT PAYER ?

Valérie Plante puis Denis Coderre ont promis de bonifier le rabais aux gens à plus faible revenu (mineur, étudiant, aîné). Or, cette responsabilité revient désormais à l'ARTM. Elle devrait dévoiler d'ici la prochaine année une politique de tarification pour le Grand Montréal. C'est nécessaire, car la région compte pas moins de 700 différents titres et tarifs.

Par exemple, pour les aînés, les transports collectifs sont gratuits à Laval, gratuit hors des heures de pointe à Longueuil, et à prix réduit à Montréal. Une harmonisation s'impose. Pour sortir des engagements à la pièce, la nouvelle agence devrait recadrer le problème. D'abord, en demandant quel pourcentage du réseau doit être financé par les usagers (à l'heure actuelle, c'est un peu moins du tiers des coûts). Ensuite, en demandant en fonction de quels critères veut-on offrir un rabais (âge, revenu, étudiant, etc.).