Sans surprise aucune, la Banque du Canada reconduira ce matin son taux directeur, fixé à 0,50 % depuis juillet 2015.

On s'attend aussi à ce que le Conseil de direction réitère ce qu'on a lu dans son communiqué de septembre : « Dans l'ensemble, les risques entourant le profil de l'inflation sont orientés quelque peu à la baisse. »

L'activité économique manque singulièrement de tonus depuis le choc pétrolier de l'automne 2014, en dépit du rebond estival qui a fait suite à la décroissance de 1,5 % en rythme annuel observée au printemps.

Dans son discours à Québec le mois dernier, le gouverneur Stephen Poloz a laissé entendre qu'il faudra plus de temps encore à l'économie canadienne pour tourner à plein régime. En juillet, les autorités monétaires estimaient que cela surviendrait vers la fin de l'an prochain. On repoussera donc cet avènement quelque part en 2018.

La prévision de croissance pour 2016 sera évidemment à nouveau diminuée. En avril, elle était estimée à 1,7 % ; en juillet, après les incendies de forêt à Fort McMurray, à 1,3 %. Ce sera moins.

Celle de 2017, estimée à 2,2 % en juillet, ne sera pas augmentée pour autant. Le resserrement des conditions de prêts hypothécaires entrées en vigueur cette semaine va ralentir le marché de l'habitation, tant primaire que secondaire.

Les économistes vont d'ailleurs sous-peser avec soin l'estimation faite par la Banque de ce train de mesures destiné à freiner l'endettement inquiétant des ménages. Dans son scénario de juillet, le logement devait contribuer d'un dixième de point seulement à la croissance, l'an prochain, contre 1,1 point de pourcentage pour la consommation.

L'économie canadienne parvient laborieusement à compléter la rotation de son commerce extérieur. Les exportations manufacturières peinent à remplacer celles des ressources comme leader.

La Banque mise beaucoup sur la création d'entreprises pour surmonter cette embûche. Il y a quelques jours, Statistique Canada avait une bien mauvaise nouvelle : au premier trimestre, le rythme de création nette d'entreprises n'a été que de 0,9 %. Une première estimation avait fait état de 2,0 %. La situation ne s'est guère améliorée au printemps avec un rythme de 1,0 % seulement.

Le commerce extérieur s'est beaucoup transformé. Depuis l'entrée de la Chine dans l'Organisation mondiale du commerce en 2001, les chaînes de valeurs se sont multipliées à l'échelle du monde. Les usines fabriquent de plus en plus de composantes et de moins en moins de biens finis.

À ce jeu, le Canada a perdu une partie de sa production au profit de pays où la main-d'oeuvre peu qualifiée est moins chère. En Amérique du Nord, c'est le Mexique qui sort gagnant de cette mutation.

Le Mexique profite en outre de la dépréciation persistante du nouveau peso face au billet vert. Cette année, le peso a reculé de 9,3 % ; seule la livre sterling, plombée par le Brexit, a fait pire. Le dollar canadien au contraire est en hausse de 5,2 % cette année, malgré un début d'année épouvantable.

Depuis le début du siècle, le profil manufacturier canadien s'est aussi transformé. Les télécommunications, qui étaient un grand atout, ne retrouveront plus leur superbe de l'époque où les Nortel, JDS Uniphase et autres Teleglobe triomphaient. Même la relève incarnée par BlackBerry est chancelante...

On ne peut accuser la force du dollar canadien pour la débâcle de cette industrie qui a périclité avec le techno-krach boursier de 2001.

Elle a par contre incité beaucoup de manufacturiers à impartir à l'étranger une partie de leurs intrants, confiés jusque-là à des sous-traitants locaux, voire la totalité de leur fabrication.

L'apparition de l'expression « Conçu fièrement au Canada » est apparue sur toute une gamme de produits désormais fabriqués à l'étranger : patins à glace et couvre-chaussures, tricots et costumes, outils, meubles, équipement de bureau et de sport, etc.

Ceux qui comptaient sur un mouvement de relocalisation avec la dépréciation du huard commencent à déchanter. Les sous-traitants d'il y a 10 ou 15 ans ont fermé boutique. La création d'entreprises manufacturières à partir de zéro exige beaucoup de capitaux. Dans le présent contexte de faible croissance mondiale, c'est un gros risque, même pour les plus hardis.

La nature même de ce que nous exportons reste mal captée par les statistiques officielles. Dans une auto assemblée en Ontario, quelle est ainsi la part de contenu canadien ?

Sans doute la Banque a-t-elle creusé la question et peut-elle expliquer mieux que quiconque les reculs du secteur manufacturier canadien.

Sans doute faut-il aussi miser davantage sur les exportations de services. C'est là que plus des deux tiers de l'activité économique canadienne sont concentrés, mais sa part dans le commerce extérieur dépasse à peine les 20 %.

Agir sur le secteur manufacturier relève toutefois de la politique fiscale. Dans quelques semaines, le ministre des Finances Bill Morneau doit présenter sa mise à jour budgétaire susceptible de contenir quelques annonces.

Cela milite aussi pour un statu quo monétaire.

Photo Yan Doublet, Archives Le Soleil

Dans son discours à Québec le mois dernier, Stephen Poloz, gouverneur de la Banque du Canada, a laissé entendre qu'il faudra plus de temps encore à l'économie canadienne pour tourner à plein régime.

Infographie La Presse