Les exportations hors ressources tardent à se substituer au pétrole et au gaz naturel comme moteur du commerce extérieur canadien. C'est une préoccupation de la Banque du Canada, mais c'est aussi une réalité difficile à expliquer. Surtout qu'il y a trois ans et demi maintenant que notre monnaie ne s'échange plus au pair avec le dollar américain.

Parmi les causes de la faible croissance des exportations hors ressources, on mentionne souvent le manque de tonus de l'économie américaine ou les grandes incertitudes à l'échelle mondiale.

On doit ajouter la perte de capacités de production, décimées par la période du huard fort, qui empêche désormais certains segments comme le bois de profiter pleinement de la forte demande.

Il y a enfin un curieux marchandage : s'il est vrai que la faiblesse du huard entraîne une diminution des coûts unitaires de main-d'oeuvre exprimés en dollars américains, elle augmente les coûts d'acquisition de machinerie, d'équipements ou de logiciels, susceptibles de procurer de nouvelles capacités ou des avantages concurrentiels.

Paradoxalement, c'est comme si les exportateurs devaient substituer de l'équipement neuf et performant par des embauches. Cela ressemble à une hérésie économique ou à la tiers-mondialisation du secteur manufacturier canadien ; bref, à rien d'innovant.

Heureusement, la réalité est plus attrayante à l'aune de l'investissement direct étranger (IDE) des entreprises canadiennes.

Une perception répandue veut encore que les IDE nuisent aux exportations canadiennes en délocalisant une partie de la production afin d'en réduire les coûts.

C'est un fait indéniable, confirme Daniel Koldyk, mais ce n'est qu'une partie de l'histoire, et la plus petite de surcroît.

Dans une étude faite pour le compte d'Exportations et développement Canada (EDC), celui qui agit désormais comme conseiller spécial sur la Chine au ministère canadien des Finances, selon son profil Linkedin, réexamine les statistiques du commerce international en proposant un modèle de commerce d'intégration.

Il constate que les revenus des filiales à l'étranger ont progressé plus vite que les exportations des entreprises mères entre 2004 et 2013, au point où leur valeur excédait celle des exportations de marchandises. (Cette période correspond à celle de la montée du huard et de sa parité avec le billet vert.)

L'affaire devient encore plus intéressante quand on examine la production de services. Les filiales ont favorisé l'exportation de services des entreprises mères.

L'augmentation du chiffre d'affaires et des bénéfices grâce aux IDE se vérifie surtout quand l'investissement est offensif, stratégique, plutôt que d'être motivé par la simple volonté de diminuer les coûts de production.

La recherche détruit aussi un autre mythe ; ce ne sont pas des emplois en usines que l'IDE crée à l'étranger puisque ces emplois sont en décroissance un peu partout avec les progrès techniques et la robotisation. Ce sont surtout des emplois dans les services : financiers, professionnels et scientifiques, emplois dans le commerce de gros et de détail ou le transport.

Ces emplois servent l'expansion de l'entreprise mère.

Les données statistiques traquent plutôt mal ces changements qui s'inscrivent dans la participation grandissante des entreprises canadiennes aux chaînes de valeurs globalisées.

EDC a tenté de pallier cette lacune avec un sondage mené auprès de 546 entreprises ayant réalisé un ou plusieurs IDE.

On peut déplorer que le Québec soit faiblement représenté dans l'échantillon (15 % seulement). Néanmoins, les résultats sont étonnants à maints égards. Ainsi, 77 % des IDE se traduisent par la création de filiales exclusives ou sous la mainmise de l'investisseur : ce ne sont pas des coentreprises de sous-traitance.

Sans surprise, les filiales sont concentrées chez les trois premiers clients du Canada : États-Unis, Chine et Royaume-Uni.

Le sondage dégage cinq conclusions : les filiales stimulent l'emploi et les activités commerciales du Canada ; elles permettent de mieux payer leurs employés canadiens ; elles accroissent la capacité concurrentielle ; elles facilitent l'accès à d'autres marchés et favorisent la diversité des échanges commerciaux.

Reste à souhaiter que ces conclusions puissent bientôt être confirmées par des statistiques. La tâche est immense puisqu'elles reposent avant tout sur les données douanières brutes et par les comptes publics nationaux.

D'ici là, il faut encourager des organismes tels EDC à ouvrir leurs bases de données aux chercheurs.