Dans cette première semaine de rentrée parlementaire, le gouvernement Couillard a été malmené par les partis de l'opposition qui l'accusent de manquements éthiques.

Si on se fiait au niveau de décibels qu'on a pu enregistrer à la garderie géante qu'est l'Assemblée nationale, on pourrait croire que le Québec est confronté à une crise majeure qui relègue dans l'ombre les scandales révélés par la commission Charbonneau. C'est d'ailleurs ce que semble suggérer un étonnant éditorial du Devoir intitulé « Watergate sur Grande Allée ? ».

Pris un à un, les quatre incidents qui ont suscité ces débats sont franchement insignifiants. Mais il y en a quatre. Et il y en a eu d'autres avant, qu'on pense à la proximité entre Sam Hamad et Marc-Yvan Côté. Dans chaque cas, le premier ministre Philippe Couillard a réagi avec la même maladresse et les mêmes réflexes de déni.

Ce n'est pas tant la gravité des événements reprochés qui est en cause, mais la façon dont ils ont été gérés. Nous sommes moins en présence d'un problème d'éthique que d'un problème d'intelligence politique.

Les deux premiers incidents concernent Yvon Nadeau, ex-conseiller politique au bureau de circonscription du ministre Laurent Lessard. Dans le premier cas, M. Nadeau a géré des chalets qui ont été construits près du centre de ski du mont Adstock après que ce centre eut obtenu, en 2008, une subvention d'un million. Il a donc profité, très indirectement, et quelques années plus tard, de cette subvention. Le lien causal est si ténu, le bénéfice si marginal qu'on voit mal où il y a problème si, bien sûr, la subvention a été obtenue dans le respect des règles. Un attaché politique de circonscription, dans le climat de proximité qui caractérise le développement régional, n'est pas astreint à la solitude monastique d'un juge de la Cour suprême.

Dans le deuxième incident, le même M. Nadeau, devenu président de Pyrobiom Énergies, a demandé une subvention de 3 millions pour son entreprise tout en étant de retour comme conseiller politique du ministre. C'est déjà plus délicat. Dans un monde normal, si le processus d'attribution de la subvention se fait sans pressions politiques et sans avantages indus, si on établit des garde-fous pour éliminer les conflits d'intérêts, si on consulte le commissaire à l'éthique pour prendre toutes les précautions nécessaires, la chose pourrait être défendable.

Mais nous ne sommes pas dans un monde normal. Le niveau de méfiance envers les politiciens est très élevé, encore plus au Québec après le scandale de la collusion et de la corruption, et encore plus à l'égard d'un gouvernement libéral qui ne peut pas compter sur le bénéfice du doute. Cela devrait astreindre M. Couillard à imposer une discipline de fer.

Cela peut le forcer à prendre des précautions excessives, mais il faut composer avec le fait que le mouvement de balancier, après être allé trop loin du côté du laxisme, est maintenant dans sa phase rigoriste.

Sachant cela, sans douter une seconde de la probité des deux hommes, la seule chose à faire pour le ministre Lessard, quand il a appris qu'Yvon Nadeau cherchait à obtenir une subvention, était de lui dire qu'il ne pouvait pas être en même temps son conseiller politique.

Dans les deux autres incidents, tout aussi anecdotiques, deux employés de la Coalition avenir Québec ont changé de camp pour passer chez les libéraux, en partant avec des documents internes qu'ils se sont transmis par courriel. Je soupçonne la CAQ de pousser les hauts cris pour faire oublier qu'elle est devenue une machine à transfuges, et que les manquements éthiques sont d'abord ceux de son propre personnel. Les libéraux ne sont pas, jusqu'à preuve du contraire, fautifs dans ces deux dossiers, s'ils ignoraient ce détournement de documents et s'ils n'en ont pas profité.

Cependant, sur le plan des principes, ce détournement de documents n'est pas acceptable et le gouvernement libéral ne devrait pas cautionner de tels gestes. Mais M. Couillard, dans un premier temps, a brièvement pris la défense d'un recherchiste passé au cabinet de Dominique Anglade. Il a ensuite défendu Yan Plante, numéro trois de la CAQ, qui avait rejoint son propre cabinet, jusqu'à ce qu'il accepte finalement sa démission jeudi, pour éviter, selon mon collègue Denis Lessard, une fronde de ses députés.

Comment interpréter l'attitude de M. Couillard ? J'y vois un effet pervers de son esprit rationnel, parfois trop rationnel, qui voit ces incidents comme des distractions, et qui ne voit pas à quel point ils peuvent nourrir la méfiance et la colère, incapable, semble-t-il, d'identifier les situations qui peuvent déraper avant qu'il ne soit trop tard.

Mais la confiance n'est pas là. Pour la rebâtir, il faut prendre les bouchées doubles, et être plus catholique que le pape.