Cette année, les exportations canadiennes de marchandises n'ont pas joué le rôle de moteur de la croissance que les prévisionnistes leur avaient assigné. En fait, elles représentent même une entrave à l'expansion de l'économie.

De mars à juin, le solde du commerce international de marchandises se résume à quatre déficits mensuels de plus de 3 milliards d'affilée. Du jamais vu.

La situation a de quoi susciter l'inquiétude puisque l'économie canadienne est parmi les plus ouvertes au monde.

Selon Desjardins, son taux d'ouverture, c'est-à-dire le poids des exportations et des importations en proportion de l'activité économique totale, s'établissait à 65,4 %, l'an dernier. En Chine, c'est à peine 40 % ; aux États-Unis, moins de 30 %.

Bref, sans commerce extérieur florissant, l'économie canadienne étouffe, le marché intérieur n'étant pas assez grand pour utiliser ou consommer le gros de sa production.

Pourquoi pareille déconvenue cette année alors que le dollar canadien s'échange désormais loin de la parité avec le dollar américain, ce qui a pour effet de ralentir l'augmentation des coûts unitaires de main-d'oeuvre des exportateurs canadiens ?

Les économistes de la Banque Royale ont étudié tous les arguments apportés pour tenter d'expliquer les difficultés des exportateurs canadiens hors ressources.

Vrai, la dépréciation du dollar canadien face au billet vert aurait dû aider en principe le bilan commercial avec notre principal partenaire commercial. C'est faire fi cependant de l'appréciation du huard face à plusieurs autres monnaies, dont le peso mexicain, l'autre partenaire de l'Accord de libre échange nord-américain.

Vrai aussi, la croissance américaine a déçu au premier semestre, ce qui, en principe, aurait dû ralentir, mais pas stopper l'augmentation des livraisons canadiennes hors ressources.

Vrai encore que l'économie mondiale progresse plus lentement, ce qui complique la conquête de nouveaux débouchés.

Vrai surtout que ce que les Américains importent correspond moins à l'offre de produits canadiens.

Voilà le coeur du problème, selon RBC. Le Canada est devenu au fil des ans un fournisseur d'intrants et de biens industriels aux manufacturiers et exportateurs américains. Or, les investissements des fabricants américains diminuent, tout comme leurs exportations à cause de la force de leur monnaie.

Les manufacturiers canadiens se sont associés aux chaînes mondiales de valeur ajoutée. Malheureusement, la part des exportations dans l'activité économique mondiale n'a jamais regagné ses sommets d'avant récession.

Selon Nathan Janzen et Gerard Walsh, qui signent l'étude, une bonne partie de cette faiblesse est attribuable à des phénomènes structurels plutôt que conjoncturels. La part des biens intermédiaires dans les exportations totales ne regagnera pas de sitôt son poids d'antan. Et le taux de change n'y pourra rien changer.

Par conséquent, une croissance annuelle des exportations de biens aux environs de 3,4 % paraît jovialiste. Mieux vaudrait miser sur la moitié de ce rythme pour 2016 et 2017.

Pour atteindre une augmentation plus élevée, les auteurs suggèrent de compter davantage sur les services que sur les biens.

Dans l'industrie du tourisme en particulier, le taux de change favorise la croissance de deux façons. En limitant la capacité des Canadiens de voyager, il induit une baisse des importations de l'offre touristique. Il rend aussi plus attrayantes les attractions canadiennes auprès des étrangers, ce qui est l'équivalent d'exportations dans les comptes nationaux.

Durant les six premiers mois de l'année, le nombre de touristes américains qui traversent la frontière pour moins de 24 heures est en hausse de 10 % sur le premier semestre de l'an passé. C'est la meilleure année depuis 1995, selon la Banque Nationale.

Le Canada peut faire aussi des progrès dans la vente de services logistiques dans l'organisation du commerce international : design, montage financier, marketing, etc. C'est une piste à exploiter puisque la valeur ajoutée est grande et la composante travail, moins intensive que dans beaucoup de segments manufacturiers.

Cela ne se fera pas du jour au lendemain. Il y a déjà plusieurs années que des économistes recommandent de privilégier cette voie.

D'ici à ce que cela se matérialise toutefois, il y a peu d'incitatifs fiscaux ou monétaires à mettre en place. Il faut peut-être plutôt, pour reprendre le mot final du Comte de Monte-Cristo, « Attendre et espérer ! »

Infographie La Presse