En 1976, une plus grande proportion d'Américaines que de Canadiennes âgées de 25 à 54 ans occupaient ou cherchaient activement un emploi.

En 1997, soit une vingtaine d'années après, le taux d'activité des femmes sur le marché du travail avait augmenté dans les deux pays, mais les Canadiennes avaient rejoint les Américaines.

L'an dernier, le taux d'activité de cette cohorte de femmes s'élevait à 81 % au Canada, mais à 74 % seulement aux États-Unis.

Les chercheurs Marie Drolet, Sharanjit Uppal et Sébastien Larochelle-Côté ont analysé ces résultats et tenté de les expliquer. Leurs observations et conclusions ont été publiées hier par Statistique Canada.

Intuitivement, on serait tenté d'expliquer ce rattrapage par une plus grande générosité des congés de maternité de ce côté-ci de la frontière.

Après tout, le congé parental n'a-t-il pas progressé au Canada durant la période jusqu'à atteindre un an, en 2000 ? Aux États-Unis, depuis 1993, une loi fédérale oblige les employeurs dont l'effectif est d'au moins 50 personnes à accorder un congé sans solde pouvant aller jusqu'à 12 semaines à toute employée ayant travaillé chez lui au moins 1250 heures durant l'année précédant son accouchement. Dans les faits, cela signifie qu'une nouvelle maman sur deux seulement a droit à ses 12 semaines sans solde.

Cet écart considérable fait en sorte que le taux d'activité des mères d'un enfant de 3 ans ou moins est de huit points de pourcentage plus élevé de ce côté-ci de la frontière.

C'est beaucoup, mais ce n'est pas ce qui explique avant tout pourquoi les Canadiennes sont plus présentes que les Américaines sur le marché du travail.

La partie s'est plutôt jouée dans la cohorte des 45-54 ans, où on retrouve fort peu de mamans de tout-petits, ont découvert les auteurs. Dans cette cohorte, le taux d'activité des Canadiennes est passé de 72,3 à 82 %, entre 1997 et 2015. Chez les Américaines, il a plutôt reculé de 76,1 à 73,7 %.

Fait plus étonnant encore, la progression s'est réalisée surtout parmi les femmes les moins instruites. Elle s'élève de 8,3 points de pourcentage chez celles dotées d'un diplôme d'études secondaires ou moins et de 7,0 points chez les titulaires d'un diplôme d'études collégiales. La progression n'est que de 3 points chez les diplômées universitaires, qui conservent néanmoins le taux d'activité le plus élevé à 88,3 %.

La participation accrue des moins instruites ne se vérifie pas au fil du temps chez les femmes de 25 à 44 ans. Il recule même de trois points, entre 1997 et 2015. À 65,2 %, il est inférieur de 6,6 points au taux des 45 à 54 ans. En revanche, chez les plus instruites, il augmente aussi chez les plus jeunes.

Chez les Américaines, le taux d'activité recule au tournant du millénaire, quels que soient les cohortes ou le nombre de diplômes.

Cela dit, une précision s'impose : en 1997, 47 % des Canadiennes de 45-54 ans avaient au plus terminé leur secondaire. En 2015, elles n'étaient plus que 29,2 %. Aux États-Unis, le recul est moins spectaculaire : de 48 à 37,2 %.

On mesure mieux les progrès de la scolarité des Canadiennes dans les études postsecondaires. En 1997, seulement 18,3 % étaient titulaires d'au moins un bac contre 26,4 % des Américaines. Aujourd'hui, c'est 35,1 % contre 37,8 %. Si les Américaines conservent un léger avantage, c'est à cause de la cohorte des plus âgées. Chez les plus jeunes, l'écart est quasi comblé ; au niveau collégial, l'écart est de 11,6 points en faveur des Canadiennes.

Les chercheurs ont aussi tenu compte des effets de la récession de 2008-2009 sur le taux d'activité des femmes. Elle a frappé plus fort aux États-Unis.

Autre observation intéressante, l'écart entre le taux de participation des hommes et des femmes s'est rétréci plus rapidement au Canada au cours de la période. Cela, malgré le fait que le taux de participation des hommes a davantage reculé aux États-Unis qu'au Canada. La récession a éliminé plus d'emplois dans des secteurs généralement considérés comme des chasses gardées masculines, comme la construction ou le manufacturier lourd.

En 1997, l'écart entre le taux de participation des Canadiens et des Canadiennes était de 18 points de pourcentage ; en 2015, il a été réduit à neuf points.

Aux États-Unis, il est passé de 19 à 14 points.