Il peut paraître absurde de parler de plein-emploi quand le Québec comptait officiellement plus de 310 000 demandeurs d'emploi le mois dernier, selon les données de l'Enquête sur la population active (EPA) de Statistique Canada.

C'est d'autant plus hardi que l'économie ne crée plus d'emplois depuis un an, que la croissance est poussive et que l'investissement privé bat de l'aile depuis au moins trois ans.

Pourtant, la question mérite d'être posée.

Publiées la semaine dernière durant la fièvre olympique et les prouesses aquatiques de Penny Oleksiak, les lumineuses données de l'Enquête trimestrielle sur les postes vacants et les salaires méritent qu'on s'y attarde quelque peu.

On comptait durant l'hiver 53 000 postes vacants au Québec, soit 7100 de moins qu'un an plus tôt. La baisse de 11,8 % est moins importante que celle de 17,9 % observée d'un océan à l'autre.

Toutefois, le taux de postes vacants, c'est-à-dire la proportion d'emplois inoccupés par rapport à l'ensemble des emplois salariés disponibles, est parmi les plus faibles au pays. À 1,6 % ex aequo avec le Nouveau-Brunswick, seule l'Île-du-Prince-Édouard est plus modeste. Il s'agit néanmoins d'une baisse de deux dixièmes.

Le taux canadien pour sa part est passé de 2,6 % à 2,1 %, reflétant une baisse dans chacune des provinces.

Il existera toujours un chômage frictionnel qui reflète l'asymétrie entre les compétences recherchées et offertes. Nous ne sommes sans doute pas très loin du compte.

Bref, il est plus difficile pour un chômeur canadien de décrocher un emploi qu'il y a un an. C'est tout particulièrement vrai pour un demandeur québécois.

Or, le nombre de chômeurs était en baisse de 39 300 depuis un an au Québec et de 29 900 depuis le début de l'année, en juillet, selon l'EPA.

Cela reflète la désertion de beaucoup de personnes des rangs de la population active, celle qui, âgée de 15 ans et plus, détient ou cherche activement un emploi. Les déserteurs sont au nombre de 42 100 jusqu'ici cette année.

Il faut y voir davantage le reflet du vieillissement de la population qu'un phénomène de décrochage mu par la difficulté à se trouver un gagne-pain.

Pour s'en convaincre, considérons le taux d'emploi parmi les 25-54 ans, la cohorte qu'on assimile à la force de l'âge. C'est au Québec où il a progressé le plus depuis deux ans. À hauteur de 84 %, il est le plus élevé au pays avec celui de la Saskatchewan.

Pourtant, si on considère le taux d'emploi de l'ensemble des 15 ans et plus, le taux d'emploi du Québec plonge à 59,6 %, loin derrière les 65,5 % observés dans la province aux cieux infinis ou même la moyenne canadienne de 60,9 %.

Le taux d'emploi québécois des 25-54 ans est d'autant plus notable qu'il survient dans un contexte de rareté des emplois disponibles, ce qui n'a rien d'étonnant dans un contexte de croissance poussive.

Au cours des prochains mois, il serait étonnant que le nombre d'embauches augmente beaucoup, hormis dans quelques niches comme la restauration et l'hôtellerie qui profitent toutes deux de la faiblesse du huard. 

Cela fait maintenant quatre mois d'affilée que le déficit de la balance commerciale du Canada excède les 3 milliards.

Dans l'ensemble, les manufacturiers québécois ont négligé d'investir depuis plusieurs années. Les capacités de production ont diminué dans plusieurs segments (pâtes et papiers, bois d'oeuvre, aluminium, pétrochimie, biens de consommation durables) depuis le début du présent cycle économique qui en est déjà à sa septième année de croissance. C'est rarement à un moment aussi avancé que les entreprises choisissent de miser gros sur de nouvelles capacités, surtout dans un contexte de grandes incertitudes internationales.

Cela suggère plutôt que la croissance continuera d'être poussive et la création d'emplois anémique pendant quelques trimestres encore.

La faiblesse de l'inflation incite par ailleurs les ménages qui approchent de la retraite à épargner davantage, voire à reporter d'un an ou deux la fin de leur vie professionnelle.

Cela ne favorise aucunement la consommation, mais fera augmenter le taux d'emploi chez les 55-64 ans, là où le Québec traîne encore de la patte.

Ce sera un pas de plus vers le plein-emploi, malgré la croissance anémique. Pour les 15-24 ans, c'est aussi un puissant incitatif à acquérir des diplômes ou des compétences techniques en attendant des perspectives plus emballantes.

Infographie La Presse