Depuis le début de l'année, le marché du travail montre peu de tonus, tout comme l'économie dans son ensemble. Il n'est pas anémique pour autant.

Durant les six premiers mois de l'année, le nombre d'emplois a augmenté au rythme mensuel moyen de 7100 environ, d'un océan à l'autre, mais de 200 au Québec seulement. C'est beaucoup moins que la moyenne mensuelle de 13 000 observée l'an dernier, et moins que celles de 11 000 et 10 000 observées en 2013 et en 2014.

Vendredi, les données de juillet de l'Enquête sur la population active (EPA) de Statistique Canada seront publiées. Elles seront le premier indicateur du troisième trimestre au cours duquel le retour à la croissance est attendu après un printemps faiblard.

Toutefois, les fluctuations mensuelles sont souvent spectaculaires et juillet avait son lot de singularités. Ainsi, plusieurs personnes embauchées en mai et juin pour le recensement quinquennal auront été remerciées, les autres le seront ce mois-ci, tout comme les enseignants engagés à forfait, une réalité qui pose des défis de désaisonnalisation tous les ans à l'agence fédérale. En revanche, les efforts de reconstruction à Fort McMurray auront commencé, tout comme sans doute quelques chantiers d'infrastructures prévus dans le budget fédéral.

Les données de l'EPA ont un niveau de confiance de 68 %. Exprimé autrement, cela signifie, par exemple, que l'estimation du nombre d'emplois comprend une marge d'erreur de 29 500. Sur un peu plus de 18 millions d'emplois au pays, c'est bien peu. Pour une variation mensuelle de 7000, c'est cependant énorme : cela signifie que la réalité se situe entre - 22 500 et 36 500.

Si on prend la moyenne de 7000 et qu'on la multiplie par 6 (de janvier à juin), on obtient un chiffre qui indique qu'il y a à coup sûr une croissance modeste de l'emploi jusqu'ici en 2016, à l'échelle canadienne.

Au Québec, l'écart de confiance étant de 15 900, les 1200 emplois additionnels depuis janvier captés par l'EPA sur un total de 4,11 millions reflètent une stagnation du marché du travail.

Depuis janvier, le taux de chômage est pourtant passé de 7,9 % à 7,0 %. Cela s'explique par la diminution de la population active, qui a perdu 41 300 éléments jusqu'ici cette année. Ce chiffre est très significatif.

À l'échelle canadienne, la diminution est de 16 500 seulement, soit bien en deçà de l'erreur-type de 29 800. On peut avancer l'hypothèse que c'est avant tout le vieillissement de la population active québécoise qui est le grand responsable de la diminution de la population active d'un océan à l'autre.

Cela a de quoi inquiéter. On peut en partie compenser le vieillissement par l'immigration et par le prolongement de la vie active. Cela suppose une augmentation de la proportion de la cohorte des 15 ans et plus qui détiennent ou cherchent activement un emploi. Au Canada, ce taux était de 61,1 % en juin, en baisse de deux dixièmes depuis le début de l'année.

Au Québec, il est aussi en baisse de deux dixièmes, mais à 59,7 % seulement. Rejoindre le taux d'emploi canadien suppose la création de 96 400 emplois, soit l'équivalent de plus de deux ans de croissance économique au rythme actuel.

Dans son Plan budgétaire présenté l'hiver dernier, le ministre des Finances Carlos Leitao a projeté une croissance réelle de 2,0 %, malgré un recul d'un dixième de point de la population active.

Pour réaliser cette cible ambitieuse, il a misé sur un gain de productivité de 1,1 % et une augmentation de 0,9 % du taux d'emploi. Cette dernière cible paraît hors d'atteinte après six mois.

Le recul de deux dixièmes explique à lui seul pourquoi l'écrasante majorité des économistes prédit une croissance réelle inférieure à 1,5 %.

Ils soulignent tous aussi que le moteur de l'expansion sera les exportations. Jusqu'ici, elles sont décevantes. La croissance reste à la remorque du consommateur. Sans création d'emplois plus robuste, elle ira en s'essoufflant.