La sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne (UE) ne s'annonce pas le divorce à l'amiable dont rêvent les Britanniques qui auraient souhaité poursuivre leur mariage de raison avec le Vieux Continent.

Les négociateurs nommés, tant par Londres que par Bruxelles, présagent de négociations difficiles, voire acrimonieuses.

Du côté britannique, on retrouve notamment le flamboyant Boris Johnson, un des ténors du Brexit et grand pourfendeur des eurocrates.

Il aura pour vis-à-vis le Français Michel Barnier, la bête noire de la City. Ancien commissaire européen au marché intérieur et aux services financiers, on lui doit notamment la règle des plafonds sur les bonis des banquiers et l'encadrement strict des ventes à découvert, deux irritants majeurs pour la principale place financière de la planète.

Il est aussi en partie responsable du veto exercé par David Cameron, en 2011, le grand perdant du référendum du 23 juin. À l'époque, ce dernier avait refusé de signer le pacte fiscal de l'UE qui inclut un droit de regard sur la réglementation financière, afin de protéger Londres. Michel Barnier en avait dirigé la négociation et la rédaction.

Mine de rien, ces négociations qui s'annoncent laborieuses, voire houleuses, créent un terreau fertile pour ranimer les relations commerciales privilégiées qui prévalaient entre le royaume de Sa Gracieuse Majesté Élisabeth II et le Canada, avant l'adhésion en 1973 du Royaume-Uni à ce qu'on appelait alors la Communauté économique européenne (CEE).

Jusque-là prévalaient les Accords d'Ottawa. Conclus lors de la Conférence tenue en 1932, ils représentaient l'ancêtre des traités de libre-échange.

En gros, les pays membres du Commonwealth bénéficiaient d'un tarif douanier préférentiel quand ils commerçaient entre eux et en livres sterling. Ce privilège, développé à contre-courant du protectionnisme ambiant durant la Grande Dépression, portait le joli nom de « Préférence impériale ».

Cela a permis d'intensifier les échanges entre les deux pays qui avaient connu leurs meilleurs jours durant le blocus napoléonien et au lendemain de l'adoption de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867.

Le Canada a conservé l'esprit de la Préférence impériale en concluant des accords de libre-échange avec l'Australie et la Nouvelle-Zélande, après l'entrée du R.-U. dans la CEE.

Aujourd'hui, le Royaume-Uni demeure le troisième client d'importance du Canada, après les États-Unis et la Chine et bien devant la France. Il est de loin le principal client du Canada au sein de l'Union européenne avec des exportations d'environ 15,9 milliards en 2015. Cela représente le quart de nos livraisons au sein de l'Europe des 28.

Nous ne lui vendons plus nos forêts de pin blanc et de chêne, ni autant de fer, de papier journal ou de cheddar Perron, mais beaucoup d'or et de matériel aéronautique.

Il ne faut pas oublier que Londres abrite la London Metal Exchange, où sont négociés les métaux précieux, et que Bombardier fabrique des pièces d'avions dans son usine d'Irlande du Nord.

De plus, le Canada y exporte pour 5,5 milliards en services divers.

En outre, les investissements directs canadiens dans le royaume s'élèvent à 92,9 milliards, selon Exportation et développement Canada.

Malgré le vote en faveur du Brexit, le Canada continue de pousser pour la ratification de l'Accord économique et commercial global (AECG) avec l'Union européenne. Le texte officiel est désormais public, mais sa ratification pose problème au sein de quelques pays de l'Union, dont le Luxembourg, la France et l'Allemagne qui y voient une limite à leur souveraineté. Le Royaume-Uni y est favorable.

Les négociations du Brexit commenceront officiellement quand le R.-U. invoquera officiellement l'article 50 du traité de Lisbonne. La première ministre Theresa May a indiqué que ce ne serait pas avant 2017, même si le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker presse Londres de se hâter.

Rien n'empêche entre-temps le Canada de signaler son ouverture à un rapprochement commercial avec le Royaume-Uni, comme dans le bon vieux temps.

Si cela s'avère, souhaitons qu'Ottawa négocie fermement et que la livre sterling ne serve pas de monnaie d'échange.

Après tout, n'est-ce pas la Perfide Albion qui, après une nouvelle défection, doit se retourner vers ses anciens alliés qui lui ont prêté main-forte au cours des guerres napoléoniennes et des deux conflits mondiaux du siècle dernier ?