On a appris cette semaine que la chapelle de Tadoussac a besoin de rénovations majeures. La plus vieille église en bois d'Amérique du Nord, qui date de 1750, est fermée depuis deux mois ; et pour une durée indéterminée. Toutefois, le monument classé lieu historique national, en 2012, n'est pas menacé. Contrairement au sort réservé à l'église de Pierreville, ainsi qu'à bien d'autres lieux de cultes abandonnés ou détruits ces dernières années.

Depuis 2003, le Conseil du patrimoine religieux du Québec (CPRQ) a répertorié 460 églises en mutation (fermées, vendues ou détruites). Sur un total de 2750 lieux de culte dans la province. Un phénomène en pleine croissance, selon le CPRQ, puisque, c'est connu, les paroisses n'ont plus les moyens d'entretenir leurs bâtiments. Certes, le gouvernement du Québec a des programmes d'aide à la conservation du patrimoine religieux, mais encore faut-il que les fabriques et les municipalités aient les outils pour aller chercher ces subventions.

En avril dernier, 27 experts, réunis sous l'égide du mouvement Action Patrimoine, ont présenté un mémoire au ministre de la Culture, Luc Fortin. Ils recommandent entre autres au gouvernement du Québec « de se doter d'un plan d'action » et d'une « vision claire » en matière de politique patrimoniale. Selon ces experts, l'aménagement du territoire n'est plus un combat entre anciens et modernes, entre « patrimonieux » nostalgiques et promoteurs immobiliers : c'est un enjeu de société concret.

Trop souvent, au Québec, démolir une église fermée précipite le déclin d'un village au lieu de le relancer.

La volonté de protéger un lieu historique doit aussi s'accompagner d'une vision d'avenir. Il faut penser à moyen et à long terme, alors que nos élus gèrent à court terme. En 2016, le patrimoine représente un enjeu d'urbanisme et de développement durable. Les autorités doivent changer leurs mentalités et cesser de le voir comme un objet de musée sous une cloche de verre.

Comment ? En favorisant des projets au service de la population. Il y a au Québec plusieurs exemples audacieux de (ré)utilisation du patrimoine.

L'église Christ-Roi à Sherbrooke recyclée en un centre d'escalade ; l'église de Sainte-Élizabeth-de-Warwick devenue une fromagerie, et celle de Coaticook, un minigolf ; un vieux couvent de soeurs à Saint-Roch-de-l'Achigan restauré pour abriter, entre autres, les bureaux de la mairie ; ou encore l'église Sainte-Germaine-Cousin à Pointe-aux-Trembles transformée en un centre multigénérationnel. Le CPRQ évalue qu'environ 250 églises au Québec ont désormais de nouvelles vocations, disons plus séculaires.

Avec le projet de Sainte-Germaine-Cousin, inauguré le 27 mai, la Corporation Mainbourg a voulu créer « un pont entre le passé et l'avenir, un point d'ancrage pour la communauté ». Sur le site de l'ancienne église, on trouve des habitations pour personnes âgées, une garderie, une salle communautaire polyvalente. « Ce projet qui relie les générations dans un même environnement est une richesse », a dit la mairesse de l'arrondissement, Chantal Rouleau. « Cette revitalisation permet de conserver notre patrimoine et de le propulser dans l'avenir. »

D'autres élus municipaux devraient s'inspirer de ces sages paroles. Au lieu de raser le patrimoine pour construire des édifices neufs, souvent sans âme, on doit avoir le réflexe de regarder parmi les bâtiments vacants (ou en voie de le devenir).

Désormais, le patrimoine est plus qu'une affaire de symboles et de conservation du passé. Il peut aussi constituer un exemple de concertation sociale et de responsabilité citoyenne.