En 1976, nous n'avions pas encore la télé couleur chez nous. Alors je m'étais fait à l'idée de suivre les Jeux olympiques de Montréal sur notre petite télé en noir et blanc que je détestais au plus haut point.

Mais heureusement, je pouvais toujours me rabattre sur la télé couleur de la taverne où je travaillais tôt le matin, avant son ouverture, en y faisant le ménage avant d'aller à mes cours dans une école secondaire de la ville de Salaberry-de-Valleyfield, là où j'ai résidé jusqu'en 1982.

Je stipule ici que nous demeurions dans un appartement situé en haut d'un hôtel et que mes parents et moi y travaillions. Mon père s'occupait de la conciergerie et ma mère faisait la cuisine et le ménage des chambres. Je les aidais dans leurs tâches respectives. Il y avait une taverne et un bar dans ledit hôtel.

Ironie du sort, il aura fallu attendre la fin de la tenue des Jeux de Montréal pour que mes parents puissent acheter au rabais un téléviseur couleur. En effet, des téléviseurs d'occasion, ayant servi aux salles de presse durant les JO, avaient été vendus après coup.

Alors ce n'est qu'au mois d'août 1976 que nous avons eu, pour la première fois dans notre salon, une télé couleur. Un petit bonheur qui aurait pu arriver plus tôt, cela va de soi. Mais j'en profitai pour voir des reprises des moments forts des Jeux de Montréal, dont ceux associés aux prouesses de la merveilleuse gymnaste Nadia Comaneci, la reine de 1976.

À 15 ans - Nadia en avait 14 - je fus complètement subjugué par l'athlète roumaine.

Petit détail à signaler ici, je suis né le même jour qu'elle, soit un 12 novembre. Alors c'était le comble de la joie juste d'y penser. Presque un privilège que je ne manquais pas de partager avec fierté avec mes camarades.

Alors, lors de la soirée d'ouverture des Jeux, je demandai la permission à mes parents d'aller dans la taverne de l'hôtel pour regarder l'événement sur le téléviseur couleur. Ils acquiescèrent à ma demande parce qu'ils savaient ce que cela représentait à mes yeux.

J'étais moi-même un jeune athlète d'assez haut niveau si on veut. Pas autant que Nadia, bien entendu ! En fait, j'étais de niveau provincial. Je m'entraînais pour participer aux Jeux d'été du Québec de 1978. J'étais membre du club d'athlétisme de ma ville en plus de faire partie des clubs de football, de handball, de volleyball et d'haltérophilie de mon école. Je pratiquais également le kayak de compétition. J'avais de grandes ambitions et j'envisageais de participer un jour à des Jeux olympiques. Les JO d'été de Montréal étaient donc une grande fenêtre à travers laquelle je pouvais voir du rêve en direct. Et le rêve eut lieu !

Pourtant, les mois précédant cette fête de l'olympisme, j'étais inquiet comme plusieurs. On se demandait si les Jeux de Montréal se tiendraient aux dates prévues. Et on devait se faire à l'idée que le Stade olympique serait inachevé. En fait, on avait envisagé le pire.

LES JEUX COMMENCENT

Mais le soir de l'ouverture des Jeux, mes craintes étaient dissipées, puisque nous y étions finalement.

Fébrile, le coeur rempli de joie, je jubilais de bonheur. Puis, la flamme olympique fit son entrée dans le stade, tenue par un homme et une femme. Moment historique s'il en fut un, me suis-je dit du haut de mes 15 ans. La cérémonie d'ouverture fut grandiose et mémorable et la grande fête sportive pouvait commencer. Elle dura sans relâche du 17 juillet au 1er août 1976.

Et mes héros olympiques défilèrent à tour de rôle.

Bien sûr, Nadia la sublime conquit mon coeur de jeune athlète et me donna des ailes. Elle incarna la perfection et la beauté tout simplement à mes yeux. J'en rêvais la nuit.

Puis, défilèrent les Alberto Juantorena qui remporta le 400 mètres, Greg Joy, le Canadien, qui décrocha la médaille d'argent au saut en hauteur. Que dire de l'exubérant Américain Bruce Jenner (devenu Caitlyn Jenner), le roi du décathlon de 1976. Et le géant russe Vassili Alexeiev qui remporta l'or de sa catégorie super-lourd en haltérophilie. Et tant d'autres grands athlètes qui m'ont impressionné !

Et je goûtais littéralement les savants commentaires, les analyses et les entrevues du grand commentateur Richard Garneau. Son acolyte Jo Malléjac n'était pas en reste.

Lors de la cérémonie de clôture des JO de Montréal, seul devant la télé couleur de la taverne, qui était fermée heureusement ce soir-là, j'avais le coeur gros et les yeux humides. Je venais de vivre pendant deux semaines des moments intenses et de grandes émotions.

Je chantai bien fort la fameuse chanson thème des Jeux de Montréal en même temps qu'elle se faisait entendre dans le Stade. Une fois la cérémonie terminée, je fermai la télé et je restai seul un bon moment dans la taverne, les yeux fermés, comme pour mieux retenir la magie que je venais de voir.

Je retournai chez moi heureux comme pas un, en gardant en mémoire le sourire sublime de Nadia Comaneci.