Deux fois l'an, la Banque du Canada nous gratifie de sa Revue du système financier.

À la manière du médecin qui nous ausculte, prend le pouls et la tension artérielle, nous pèse et se livre à quelques touchers désagréables pour établir notre bilan de santé, la Banque jauge les vulnérabilités du système financier canadien et évalue au moyen de simulations comment certains risques les affaibliraient davantage, s'ils devaient se matérialiser.

Deux des trois vulnérabilités à nouveau identifiées sont étroitement liées : le niveau d'endettement des ménages qui a continué de s'aggraver et les déséquilibres régionaux sur le marché du logement.

Ces deux éléments seraient très sensibles à une récession ou à la montée subite des taux d'intérêt, deux des quatre risques les plus dangereux qui guettent l'économie canadienne. Heureusement, leur probabilité est toujours jugée faible.

En présentant la Revue devant la presse, le gouverneur Stephen Poloz s'est voulu rassurant : « Nous estimons toujours qu'un raffermissement de l'économie et une hausse des revenus atténueront avec le temps ces vulnérabilités à l'échelle du pays. »

N'empêche. Il y a de quoi s'inquiéter dans l'analyse faite par la Banque, d'autant que la politique monétaire actuelle, très accommodante, attise quelque peu ces deux vulnérabilités.

En un an, la proportion de prêts hypothécaires assurés qui affichaient un ratio de la valeur du prêt sur le revenu de l'emprunteur supérieur à 450 % est passée de 12 % à 15 %. Exprimée en valeur, la proportion a bondi de 16 % à 21 % des prêts assurés.

Pour les prêts non assurés, soit parce que l'emprunteur dispose d'une mise de fonds suffisante ou que la valeur du prêt excède 1 million de dollars, ce qui le disqualifie d'emblée, la proportion est la même en nombre (15 %), mais la valeur grimpe à 24 %. Pour faire face à leurs engagements, 46 % des emprunteurs optent pour un amortissement de plus de 25 ans dans une proportion de 46 %. Un prêt assuré doit être amorti sur un maximum de 25 ans.

L'augmentation du ratio évolue en fonction des hausses des prix des logements qui varient beaucoup selon les régions.

La surchauffe à Toronto et à Vancouver entraîne une augmentation des prix à la périphérie de ces régions métropolitaines. Elle est nourrie en partie par des acheteurs étrangers friands d'appartements de luxe jugés bon marché à cause de la dépréciation du dollar canadien. Cette spéculation contribue à une hausse générale des prix et à l'aggravation de l'endettement des ménages qui acquièrent une nouvelle propriété.

C'est avec cette dynamique en tête qu'il faut aborder le risque que ferait peser une récession profonde (comme celles de 1990-1991 ou de 2008-2009) sur le bilan financier des ménages. Il y aurait augmentation du chômage et baisse des revenus disponibles.

L'augmentation soudaine des taux d'intérêt entraînerait des conséquences néfastes du même ordre : augmentation du poids des paiements sur le revenu disponible, déclin de l'abordabilité, suivi d'une baisse probable des prix des propriétés.

Dans les deux cas, les ménages risquent de se retrouver avec une valeur de leur actif immobilier inférieure à celle du prêt.

En se basant sur les corrections survenues en Colombie-Britannique dans les années 80 et en Alberta dans les années 90, la Banque estime qu'avec une diminution de 15 % des prix des logements, 13 % des prêts hypothécaires seraient associés à un avoir propre foncier négatif. Cela représente 600 000 ménages ou 280 milliards de dette hypothécaire. Une chute de 25 % des prix fait grimper la proportion à 23 %.

La troisième vulnérabilité du système financier canadien porte sur la liquidité des marchés obligataires. La Banque observe une variabilité accrue des conditions de liquidités qu'elle s'explique encore mal, sinon peut-être par le fait que les banques doivent détenir davantage de ces titres pour se conformer aux nouvelles exigences en matière de capitalisation.

La baisse de liquidités peut faire grimper les coûts d'une émission obligataire pour l'emprunteur ou restreindre sa capacité de financement. Cela compliquerait les investissements alors que le Canada en a bien besoin.

Les deux autres risques susceptibles d'attiser les trois vulnérabilités du système financier sont liés à la transition de l'économie chinoise et à la persistance des faibles prix des biens de base. Leur probabilité d'attaquer le système financier canadien est jugée moyenne, mais leur matérialisation aurait des effets, somme toute, assez modestes.