Les intervenants sur les marchés obligataires commencent finalement à y croire : la Réserve fédérale américaine est décidée à augmenter à nouveau le taux des Fed Funds. Sera-ce dès juin, en juillet ou en septembre ? Sera-ce une ou deux fois cette année ?

Cela reste matière à débat, au grand plaisir des spéculateurs à court terme.

Pour les investisseurs et pour les emprunteurs, ça signifie que le loyer de l'argent va augmenter, bien qu'à un rythme modeste.

Peut-être davantage cette fois-ci qu'après le tour de vis de décembre, le premier resserrement en neuf ans.

Dès janvier, la Fed avait semblé beaucoup moins décidée à poursuivre la normalisation de son taux directeur. La fourchette de 0,25 à 0,50 % nouvellement mise en place est pourtant encore très accommodante, fort loin d'un taux jugé neutre, aux environs de 3,25 à 3,5 %.

Ce mois-ci, les signes que l'économie américaine prend du mieux, que la Chine maîtrise son virage vers une économie axée sur les services et que le prix du pétrole se redresse semblent vaincre les hésitations des autorités monétaires américaines.

De ce côté-ci de la frontière, où notre banque centrale paraît bien installée dans un statu quo monétaire jusqu'à tard l'an prochain, les taux obligataires pour les échéances de 10 et de 30 ans sont aussi doucement repartis à la hausse depuis une semaine. Une obligation canadienne venant à échéance en 2026 offre un rendement de 1,36 % environ, soit cinq centièmes de point de plus qu'il y a une semaine. Pour l'échéance de 30 ans, les taux canadiens viennent de franchir à nouveau le seuil symbolique de 2 %.

Cela reste des conditions d'emprunt exceptionnellement avantageuses, quand on considère que le taux d'inflation était de 1,7 % en avril.

Les rendements canadiens suivent d'assez près le parcours des titres américains de même échéance, même si les politiques monétaires des deux banques centrales sont divergentes.

Bref, quand les taux américains se remettent à remonter, les taux canadiens font de même, quoique l'écart de rendement entre les deux soit susceptible de s'élargir.

Pour les gouvernements provinciaux, les conditions d'emprunt demeureront très alléchantes, quelque temps encore. C'est le temps de s'avancer dans ses programmes respectifs de financement.

Toujours très opportuniste, Québec est parvenu cette semaine à emprunter 500 millions jusqu'en 2048 au taux de 3,048 %. L'emprunt précédent dans la même échéance remonte à novembre. Québec avait alors accordé un taux de 3,489 %. Celui de cette semaine est nettement meilleur.

Le Québec jouit d'une conjoncture qui lui est particulièrement favorable : il dégage des surplus budgétaires (entièrement affectés à la réduction de la dette) et son programme d'emprunt de quelque 13,5 milliards est plutôt modeste cette année. Après moins de deux mois au présent exercice, il est déjà complété à 35 %.

D'ici au 31 mars, il lui reste moins d'emprunts à réaliser que l'Alberta ! La province des cheiks des sables bitumineux a un déficit de 10,4 milliards à financer, alors que Standard & Poor's vient d'abaisser sa note de crédit pour la deuxième fois cette année.

Règle générale, les emprunteurs sont très actifs durant le mois de juin, qui coïncide avec le paiement semestriel ou annuel des intérêts sur les titres émis de même qu'avec l'arrivée à échéance d'un paquet d'obligations fédérales, provinciales et d'entreprises.

Selon les calculs de Jean-François Godin, vice-président à la recherche de Valeurs mobilières Desjardins, ce n'est pas moins de 25,5 milliards qui vont échoir aux mains des prêteurs, soit 3,8 milliards de plus que l'an dernier. Comme d'habitude, on peut s'attendre à ce que le gros de ce capital soit redéployé. Les bons emprunteurs, comme le Québec, ne devraient éprouver aucune difficulté à trouver preneur.

Les investisseurs étrangers qui ont boudé quelque peu le Canada l'an dernier dans la foulée du choc pétrolier et des deux baisses du taux directeur de la Banque du Canada se reprennent d'intérêt pour les titres canadiens (actions et obligations).

Cela risque de s'intensifier le mois prochain, à mesure que va s'approcher l'échéance référendaire épeurante du Brexit, le 23 juin.

Ce sera donc l'occasion d'emprunter sur les marchés étrangers, même si le Québec y a été particulièrement actif depuis avril, ayant tâté les prêteurs américains, australiens et hongkongais.