Depuis quelques mois, le mot-valise « Brexit » est entré dans le vocabulaire populaire, au point où on a oublié qu'il est calqué sur un autre mot-valise qui était très en vogue, il y a un an à peine.

Changez le B par un G et vous reviendront sans doute en mémoire quelques-uns des innombrables épisodes du feuilleton tragique de la dette du pays des bouzoukis.

Le « Grexit », c'était le mot évoqué pour chasser le pays de la zone euro, s'il refusait des réformes sociales et fiscales draconiennes en échange d'un nouveau plan d'aide, le troisième en cinq ans, pour lui éviter la faillite.

La dette publique grecque s'élève à quelque 320 milliards d'euros, soit près de 180 % de la taille de son économie, un poids jugé insoutenable par le Fonds monétaire international (FMI) qui veut l'alléger, et forcer les autres créanciers en ce sens.

L'échéance du 23 juin, date du référendum sur le maintien ou non au sein de l'Union européenne du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, pousse sans aucun doute les 19 ministres des Finances de la zone euro à trouver une voie de sortie honorable à la crise des finances publiques qui paralyse la Grèce depuis la Grande Récession. C'est ce qu'ils ont fait hier soir à Bruxelles.

Faire autrement revenait à travailler objectivement pour le camp du Brexit.

La crainte d'une sortie de l'Union européenne du pays de Sa Gracieuse Majesté Élisabeth II, ci-devant aussi reine du Canada, facilite sans doute la recherche d'un compromis acceptable. Et cette fois-ci toutefois, il y avait désaccord avec le FMI plutôt qu'avec Athènes.

La Grèce a quant à elle rempli sa partie du marché. Dimanche, le Parlement d'Athènes, la Vouli, a adopté par une faible majorité un nouveau train de mesures d'austérité exigées par l'Union, en préalable au versement d'une autre tranche du troisième plan de sauvetage, voté en août dernier. Il est question d'une dizaine de milliards, de quoi payer les factures courantes jusqu'en octobre, date du prochain audit. Athènes réclamait aussi l'allégement de sa dette.

Pour bien attirer l'attention sur ses efforts, la Grèce a choisi la journée d'hier, alors qu'étaient réunis les ministres des Finances, pour évacuer le camp informel de réfugiés syriens à Idomeni, situé à sa frontière avec la Macédoine. Comme l'Italie, la Grèce agit à titre de premier répondant officieux dans la grave crise des réfugiés qui déchire l'Europe.

Le troisième plan de sauvetage est assorti d'exigences telles qu'il avait fait éclater la coalition de gauche d'Alexis Tsipras et forcé la tenue d'élections hâtives dont son parti est sorti vainqueur avec une courte majorité, l'été dernier.

Parmi ces exigences, votées ce week-end, on note l'alourdissement de la taxe sur la valeur ajoutée, la création d'une taxe hôtelière, un nouveau programme de privatisations, la mise sur pied d'une agence du revenu indépendante du gouvernement et l'établissement d'un mécanisme de coupes automatiques des dépenses, si le budget ne dégage pas un excédent primaire équivalant à 3,5 % du PIB.

Un excédent primaire est un surplus des rentrées fiscales par rapport aux dépenses de programmes avant le service de la dette.

Plus tôt cette année, Athènes avait aussi été forcé de faire des coupes dans les régimes de retraite publics, exacerbant les tensions sociales. Le versement de quelques milliards d'euros confirmé hier servira aussi à rembourser près de 3 milliards que lui a avancés la BCE dans le cadre du premier plan de sauvetage de 110 milliards consentis en 2010.

Depuis 2008, la Grèce n'a connu qu'une seule année de croissance, en 2014. L'an dernier, son économie a rechuté en récession et la contraction s'est poursuivie durant l'hiver, selon les données d'Eurostat.

Depuis plusieurs mois déjà, le FMI pousse pour l'étalement de 20 ans (jusqu'en 2080) de la dette grecque. Il liait sa participation financière au troisième plan à cet allégement. Il a déjà avancé 32 milliards à la Grèce.

Le FMI se heurtait à l'opposition obstinée de l'Allemagne qui est le principal pourvoyeur du Mécanisme européen de stabilité (MES). Le FMI, le MES et la Banque centrale européenne financent les plans de sauvetage de la Grèce.

L'Allemagne, tout comme d'autres pays de la zone euro, ne voulait pas entendre parler d'allégement avant la fin du troisième plan de sauvetage, en 2018, de manière à exercer le maximum de pressions sur Athènes.