La saison des budgets tire à sa fin. Seuls la Saskatchewan et le Manitoba n'ont pas encore présenté le leur, en raison d'élections printanières qui ont porté des conservateurs au pouvoir dans les deux cas.

Choc pétrolier oblige, le paysage budgétaire s'est considérablement transformé en un an.

Au niveau fédéral d'abord. L'arrivée aux commandes des libéraux a vite signifié pour leurs détracteurs la replongée des finances publiques dans le rouge.

D'un léger surplus dégagé en 2014-2015, le plan budgétaire du ministre Bill Morneau prévoit de passer à un déficit de 5,2 milliards pour 2015-2016 et de quelque 29 milliards pour l'exercice présent et le suivant. Il n'y a pas d'objectif temporel précis pour un retour à l'équilibre.

Cela suscite des inquiétudes chez ceux pour qui seuls les surplus ou l'équilibre sont garants de saines finances publiques.

Les partisans d'un stimulus fiscal pour aiguillonner une croissance poussive plaident que les déficits seront beaucoup moins abyssaux qu'annoncés, compte tenu des coussins de 6 milliards dont le ministre s'est doté.

En outre, comme le directeur parlementaire du budget l'a souligné, l'exercice de 2015-2016 va sans doute se conclure tout près de l'équilibre, ce qui représente un point de départ bien meilleur pour l'année en cours. Une récente étude de Desjardins passe d'ailleurs en revue les pour et les contre du plan budgétaire fédéral.

Pour les provinces, la situation budgétaire est beaucoup moins équivoque. Les deux principales productrices d'or noir, l'Alberta et Terre-Neuve-et-Labrador, semblent avoir perdu la maîtrise de leurs finances publiques.

On n'a guère d'idée précise, tant à Edmonton qu'à St. John's, de la date d'un retour à l'équilibre. Chose certaine, ce ne sera vraisemblablement pas au cours de la présente décennie.

Les deux provinces traversent une récession profonde. Leur produit intérieur brut réel, mesuré par industrie, a reculé de 4,0 % et de 2,2 % respectivement, l'an dernier. La taille de l'assiette fiscale a davantage ratatiné puisque les redevances pétrolières se sont effondrées en même temps que les cours du brut.

Pour l'Alberta, il s'agit d'un contraste violent. Depuis 2010, la croissance réelle annuelle n'avait jamais été sous la barre des 4 %, selon les données publiées jeudi par Statistique Canada.

Le gouvernement néo-démocrate de Rachel Notley avait déjà augmenté le fardeau fiscal l'an dernier. Cette année, il s'est contenté de mettre en place une taxe sur le carbone dont le produit sera entièrement réinvesti dans la recherche et développement de technologies propres.

Les incendies de forêt qui ralentissent l'exploitation des sables bitumineux vont priver la province de quelques centaines de millions en redevances et impôts sur les revenus des particuliers et des sociétés. Reste à voir comment l'aide fédérale compensera en tout ou en partie ce manque à gagner. La reconstruction, plus tard cette année, devrait en revanche stimuler l'activité économique et générer des recettes fiscales. Vieux fond créditiste oblige, l'Alberta s'obstine à ne pas avoir de taxe de vente, ce qui lui a sans doute valu la perte de sa note de crédit AAA.

La situation de Terre-Neuve-et-Labrador est plus chaotique encore. En 2016, la province atlantique devrait connaître sa troisième année de décroissance réelle d'affilée. Dans ce contexte, le gouvernement libéral de Dwight Ball n'a pu trouver mieux que de sabrer les dépenses et d'alourdir le fardeau fiscal des particuliers et des entreprises. Fait à souligner, la province n'a plus droit à des paiements de péréquation depuis la réforme du programme en 2008.

À l'opposé, la Colombie-Britannique et le Québec ont les finances publiques les plus en ordre.

La province pacifique est en passe de dégager un quatrième surplus d'affilée et de vivre la plus forte croissance au pays pour une deuxième année d'affilée. Elle reste la seule province à garder son triple A. La Saskatchewan s'est fait placer sous perspective négative. Le prochain budget de Regina ne devrait pas altérer cette perspective.

Le Québec est l'autre province qui tire bien son épingle du jeu. L'exercice en cours devrait se solder par un deuxième surplus, entièrement réservé à la diminution de la dette par le truchement des dépôts au Fonds des générations.

L'assainissement budgétaire porte ses fruits même s'il ne va pas sans heurts : le Québec emprunte maintenant au même coût que l'Ontario et à meilleur taux que l'Alberta, même si Standard & Poor's note son crédit A+ seulement. Du jamais-vu !

L'Ontario, qui a la même note que le Québec, vise un retour à l'équilibre l'an prochain. Son déficit projeté pour l'année en cours est de 4,3 milliards, en incluant un coussin de 1 milliard. Avec un peu de chance, Queen's Park pourra revenir à l'équilibre cette année. En font foi ses budgets précédents, qui ont tous surestimé l'ampleur du déficit projeté.

Peut-être est-ce la recette dont s'inspire le ministre Bill Morneau...