Si elle devait se prolonger, la diminution de la production de pétrole bitumineux pourrait à la fois aggraver la balance commerciale et freiner l'activité économique canadiennes.

Les incendies de forêt dans le nord de l'Alberta surviennent au moment où l'on constate que les exportations canadiennes hors ressources ne se sont pas suffisamment raffermies pour prendre le relais du pétrole et du gaz naturel.

Après de fortes poussées en décembre et janvier, les exportations manufacturières ont reculé de 5,7 % en février et de 4,4 % en mars, révélait hier Statistique Canada. L'ensemble des exportations hors ressources a reculé de 4,2 %. Exprimées en volumes, elles sont revenues à leur taille d'octobre.

Ces secteurs de la production de marchandises ont donc échoué à compenser le recul de 4,3 % de la valeur des livraisons extérieures de produits énergétiques.

Résultat, le solde du commerce international de marchandises est un déficit record de 3,4 milliards, soit presque 1 milliard de plus que celui enregistré en février.

La valeur des livraisons de produits énergétiques est passée de 7,1 à 4,3 milliards en un an. L'excédent du commerce d'énergie est le plus faible depuis la Grande Récession, tandis qu'il faut remonter à 2007 pour retrouver un surplus commercial hors ressources.

La baisse de 39,1 % de la valeur des exportations d'énergie reflète l'effondrement des prix de l'or noir, et en particulier du prix du Western Canada Select, le type de pétrole non classique extrait des sables bitumineux albertains et des rocs schisteux saskatchewanais.

Ce type d'or noir représente désormais 40 % du pétrole canadien et sa production était en hausse annuelle de 0,1 % en février. La production de pétrole classique, extrait à partir de derricks ou de plates-formes marines, était quant à elle en baisse de 1,4 %.

Les producteurs d'or noir synthétique restent actifs pour maintenir leur trésorerie à flot.

Si les incendies en cours devaient forcer des interruptions ou, pis, compromettre des installations, alors ce n'est pas seulement la balance commerciale qui se détériorerait davantage, mais l'activité économique du Canada dans son ensemble.

On avait cru avec les données encourageantes de novembre, décembre et janvier que la faiblesse du dollar canadien commençait à porter ses fruits. Février et mars indiquent plutôt que la partie n'est toujours pas gagnée.

Ces deux baisses des livraisons internationales, et en particulier celle de 4,8 % observée en mars, portent à 5,1 % le repli des exportations totales en un an.

Les importations ont aussi diminué, mais dans une moindre mesure. Le recul mensuel de 2,4 % porte la baisse annuelle à 4 %.

La détérioration des échanges est flagrante avec les États-Unis, qui absorbent environ les trois quarts de nos expéditions. Notre surplus est passé de 2,12 milliards en février à 1,53 milliard seulement en mars, soit l'excédent le plus faible depuis décembre 1993, précise l'agence fédérale.

La baisse des exportations s'observe dans tous les secteurs, sauf celui, très volatil, des aéronefs et du matériel de transport autre que les véhicules et leurs pièces.

Le recul de 4,6 % des biens de consommation, deuxième catégorie en importance qui a supplanté les produits énergétiques, est sûrement attribuable au ralentissement qu'a connu l'économie américaine durant l'hiver. Selon une estimation préliminaire, la croissance annualisée chez l'Oncle Sam a été limitée à 0,5 %, de janvier à mars.

Un redressement est cependant attendu au cours du printemps.

À première vue, c'est une bonne nouvelle pour le Canada. On peut toutefois s'inquiéter du fait que la valeur des importations canadiennes de machines et matériel a reculé de 2,7 % en mars, même si le huard s'est apprécié face au billet vert durant le mois.

Cela indique que les entreprises n'ont pas beaucoup investi pour améliorer ou augmenter leurs capacités de production.

S'il fallait en plus que les incendies albertains ralentissent la production de pétrole bitumineux, alors il ne faut guère s'attendre à une nette amélioration du solde commercial avant plusieurs mois.