L'économie canadienne va mieux depuis quelques mois, peut-être beaucoup mieux même. Cela se reflète dans sa croissance durant l'hiver et davantage même dans l'état de ses finances publiques qui se sont détériorées beaucoup moins qu'on ne l'avait cru ou, plutôt, laissé croire.

La publication hier à la fois de la Revue financière (RF) du ministère des Finances et de la production mesurée par industrie par Statistique Canada pour le mois de février le confirme.

Pour le 11mois de l'exercice 2015-2016, Ottawa s'en tire avec un excédent budgétaire de 3,2 milliards. Les esprits chagrins diront que c'est 1,4 milliard de moins qu'en février 2015. C'est sans compter toutefois que des baisses d'impôt sur le revenu sont en vigueur depuis le 1er janvier.

Après 11 mois, le surplus dégagé atteint 7,5 milliards, contre 5,9 milliards en 2014-2015 qui s'est terminé par un surplus de 1,9 milliard. Il faudrait donc qu'Ottawa ait enregistré un déficit de 12,9 milliards en mars seulement pour que se réalise l'hypothèse du ministre des Finances Bill Morneau contenue dans son budget du 22 mars. Il estimait à 5,4 milliards le déficit de 2015-2016.

Vrai, mars est un mois traditionnellement difficile pour les finances publiques fédérales. Dans la RF de janvier, parue le jour du budget, le Ministère produisait un sombre graphique établissant que le déficit moyen de mars s'établit à 6,5 milliards, depuis 2009-2010.

Ce tableau est évidemment trompeur : il se concentre sur les années où les finances publiques sont replongées dans le rouge, à l'exception de 2014-2015. On remarque d'ailleurs que le déficit de mars pour cet exercice était de 3 milliards seulement.

Pour mars 2016, le budget Morneau a provisionné 3,7 milliards pour le soutien aux anciens combattants, une mesure non récurrente. Cette somme s'ajoute au manque à gagner récurrent attribuable à la baisse d'impôt. Ajoutons à cette somme le déficit de 3 milliards de mars 2015, et on en arrive à un résultat beaucoup plus proche de l'estimation faite il y a 10 jours par le directeur parlementaire du budget Jean-Denis Fréchette. Selon ses calculs, l'exercice 2015-2016 se sera soldé par un léger surplus de 700 millions.

Cela met la table pour un déficit bien plus léger que les 29,4 milliards projetés en 2016-2017 par le ministre Morneau, étant donné que l'économie a retrouvé un certain élan.

Évidemment, cela suppose qu'Ottawa s'en tienne à son plan de dépenses plutôt que d'y voir une manne destinée au saupoudrage.

Ce serait mal avisé. L'économie canadienne a repris du tonus depuis octobre. Le léger recul de 0,1 % du produit intérieur brut réel observé en février doit être vu comme une reprise de souffle après le bond de 0,6 % de janvier qui suivait trois mois de croissance modérée d'affilée.

Ce repli, plus faible que celui escompté par les prévisionnistes, s'est concentré dans le secteur des biens. Il ne remet pas en cause que le rythme de croissance annualisée au premier trimestre est escompté aux environs de 3 %.

Cette prévision suppose une stagnation en mars.

À quelque 3 %, l'économie canadienne aura bien mieux fait que l'américaine dont le rythme d'expansion a été préliminairement estimé à 0,5 % seulement.

Nos voisins ont encaissé durement la deuxième secousse du choc pétrolier qui a fait chuter le prix du baril sous la barre des 30 $ en janvier. Cela a mis à mal l'exploitation des gisements schisteux et compromis les investissements dans le forage de nouveaux puits, d'autant que les conditions de financement par obligations corporatives se sont durcies pour cette industrie.

Le Canada a été davantage frappé par la première secousse du choc qui l'a même plongé en récession technique, au premier semestre de 2015.

À coup sûr, le ralentissement américain nous touche, comme le reflète la détérioration de la balance commerciale en février marquée par un déficit de 1,9 milliard. On attend peu d'amélioration dans les résultats de mars que l'agence fédérale publiera mercredi.

En revanche, la confiance des propriétaires de PME s'améliore de ce côté-ci de la frontière, selon le baromètre de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante. Au sud, elle se détériore.

Du côté de la consommation, les baisses d'impôt semblent stimuler les ventes des détaillants dont le chiffre d'affaires a encore augmenté en février.

Tout cela, sans compter l'augmentation des dépenses en infrastructures prévue par le ministre Morneau qui n'a pas encore commencé à se matérialiser...