Une fois n'est pas coutume, le gouverneur de la Banque du Canada Stephen Poloz s'est voulu des plus rassurants hier, à New York.

Une fois n'est pas coutume, le gouverneur de la Banque du Canada Stephen Poloz s'est voulu des plus rassurants hier, à New York.

Devant les membres des associations américaine et canadienne de l'industrie des valeurs mobilières, il a plaidé que la faiblesse relative de la croissance des échanges commerciaux mondiaux reflète moins une crise imminente qu'un nouveau point d'équilibre.

D'emblée, il a écarté certaines critiques voulant que la politique monétaire des banques centrales ait perdu de son efficacité. Imaginez seulement où en serait l'économie mondiale si les taux directeurs étaient de 3 % ou de 4 %, a-t-il suggéré.

Durant la vingtaine d'années qui a précédé la Grande Récession, la croissance annuelle des échanges mondiaux était de l'ordre de 7 %. Elle était favorisée par l'entrée en vigueur de grands traités de libre-échange, par l'accès de la Chine dans l'Organisation mondiale du commerce, par la multiplication des chaînes mondiales de valeur ajoutée, sous forme d'impartition ou de division du travail au sein de filiales internationales de grandes sociétés.

« Nous aurions dû comprendre depuis le début, a noté le gouverneur, que ce processus d'intégration ne pourrait tout simplement pas se poursuivre indéfiniment au même rythme, comprendre qu'à un moment donné le commerce atteindrait un nouveau point d'équilibre au sein de l'économie mondiale où les entreprises auraient mis en place des chaînes d'approvisionnement optimales transfrontalières, ralentissant ainsi le processus d'intégration, du moins pour l'instant. »

La Banque du Canada prévoit que la croissance mondiale sera de 3 % seulement cette année, soit deux dixièmes de moins que le pronostic du Fonds monétaire international, qui ne cache pas ses inquiétudes.

Si le rythme des échanges commerciaux n'a pas suivi celui de la croissance même intérieure des économies, c'est surtout à cause de la faiblesse des investissements des entreprises au cours du présent cycle. Selon M. Poloz, la moitié du ralentissement s'explique ainsi.

« Lorsque la croissance économique ralentit en raison de la faiblesse des investissements, le commerce décélère de façon disproportionnée. »

- Stephen Poloz, gouverneur de la Banque du Canada

Les hésitations à investir sont dues à l'incertitude qui prévaut à l'échelle planétaire ainsi qu'à la mutation en cours de l'économie chinoise. Longtemps soutenue par les investissements, son expansion sera désormais assurée surtout par le déploiement du secteur des services, qui favorisent moins les échanges internationaux.

Le présent équilibre est susceptible de durer un certain temps. Il ne faut pas tant s'en inquiéter outre mesure que s'y adapter, le temps que se créent de nouvelles conditions pour qu'il se rompe.

La faiblesse des investissements en entraîne une autre, celle des gains de productivité. Combinée au vieillissement de la population, elle diminue la croissance potentielle des économies occidentales.

Le gouverneur insiste sur les gains énormes de productivité réalisés dans le secteur manufacturier. Il y a 60 ans, la fabrication employait le tiers de la main-d'oeuvre. Aujourd'hui, c'est à peine 10 % des deux côtés de la frontière. Durant cette période, la production en usines a été multipliée par sept au sud, par cinq au Canada. Il s'en est suivi une forte augmentation des échanges commerciaux.

La relance des échanges commerciaux pourra venir de trois sources : la création d'entreprises novatrices, « un signe fort que la croissance est devenue autonome » selon M. Poloz, l'amélioration des chaînes d'approvisionnement existantes et l'émergence de technologies de rupture.

Sans avoir d'idée encore précise de ces technologies, M. Poloz est d'avis qu'il n'y a aucune raison d'être pessimistes, si le passé est garant de l'avenir en la matière.

À court terme, le gouverneur est d'avis que les embûches cycliques à la croissance des échanges commerciaux s'estompent peu à peu. Il croit que le rythme déjà rapide de création d'entreprises aux États-Unis sera bientôt aussi observé au Canada.

Et de conclure : « J'espère vous voir convaincus que l'économie mondiale peut poursuivre sa reprise, même si le rythme d'expansion du commerce international reste inférieur à son niveau d'avant la crise. La faiblesse des échanges commerciaux qu'on observe n'est pas le présage d'une récession imminente. »

Voilà des propos réconfortants, faute d'être encourageants.

Photo Sean Kilpatrick, Archives La Presse Canadienne

Le gouverneur de la Banque du Canada, Stephen Poloz, croit que la faiblesse relative de la croissance des échanges commerciaux mondiaux reflète moins une crise imminente qu’un nouveau point d’équilibre.