On saura demain si la France a obtenu une meilleure croissance économique que le Canada pour la première fois depuis la Grande Récession.

Premier pays du G7 à passer en phase d'expansion au cours du premier cycle, le Canada montre depuis un an des signes inquiétants d'essoufflement.

Le choc pétrolier l'a plongé dans une légère récession technique au premier semestre. Après un regain de tonus durant l'été, l'économie semble retombée en léthargie durant l'automne.

Si bien que, selon la Banque du Canada, le rythme annualisé d'expansion trimestrielle a sans doute été contenu à 0,3 % seulement, d'octobre à décembre.

D'autres prévisionnistes placent la barre à zéro. En fin de compte, le rythme d'expansion annuel aura été limité aux environs de 1,0 à 1,2 %, soit à peu près comme celui de 1,1 % de l'Hexagone.

C'est moins bien que la zone euro dans son ensemble, mais mieux que l'Italie ou le Japon. Depuis le début du cycle, ce sera la première fois que le Canada ne monte pas sur le podium du G7.

Mesurée par industrie, la variation réelle du produit intérieur brut (PIB réel) a fait du surplace en octobre et progressé de 0,3 % en novembre. En septembre, il avait reculé de 0,5 %, privant l'économie de tout élan à l'entrée du quatrième trimestre.

Les indicateurs économiques de décembre publiés jusqu'ici sont divergents : les ventes des manufacturiers ont été bonnes, mais les usines ont beaucoup déstocké, les grossistes ont fait de bonnes affaires, mais pas les détaillants. Il y a aussi recul des mises en chantier. Bref, au mieux, une faible croissance qui n'aura guère donné d'élan elle non plus pour le début de 2016.

Sur une base trimestrielle, le PIB réel est surtout analysé sur la base des comptes nationaux plutôt que simplement jaugé selon la production de biens et de services.

On étudiera les composantes de la demande intérieure, l'apport du commerce international et la variation des stocks.

Sur ce dernier point, il est à prévoir que les entreprises auront puisé dans leur production antérieure pour répondre à la demande. Si cela s'avère, ça n'aura pas contribué à la croissance.

Du côté du commerce international, on sait déjà que les exportations de marchandises ont moins diminué que les importations. Il y a donc amélioration du solde, mais pour les mauvaises raisons. La baisse des importations suggère en outre que la consommation des ménages a faibli, tout comme les investissements des entreprises en machines et équipement, encore une fois.

On ne sait pas toutefois quelle est la balance commerciale dans le secteur des services, sinon qu'il y a eu amélioration du côté touristique. Faiblesse du huard oblige, moins de Canadiens ont franchi la frontière durant l'automne tandis qu'un plus grand nombre d'Américains et d'Européens sont venus apprécier, qui notre poutine ou nos queues de castor, qui les couleurs de la forêt boréale.

On l'a répété à maintes reprises, la dépréciation de notre monnaie gruge le pouvoir d'achat des ménages et des entreprises.

Pour les premiers, la détérioration du marché du travail les incite d'autant plus à la prudence. La semaine dernière encore, le sous-gouverneur de la Banque du Canada Lawrence Schembri a réitéré que le niveau élevé d'endettement des ménages représente la plus grande vulnérabilité de l'économie canadienne. On ne peut les blâmer de retrouver les vertus de l'épargne.

Pour les secondes, les coûts accrus de l'équipement importé, la deuxième baisse trimestrielle d'affilée des bénéfices d'exploitation et les perspectives incertaines de l'économie mondiale les font hésiter à investir. Cela est de mauvais augure si le Canada doit compter sur la croissance de ses exportations hors ressources pour dynamiser son activité économique. Encore faut-il avoir les capacités de produire davantage pour exporter plus !

Mis à part quelques villes d'Ontario et de Colombie-Britannique, les marchés de l'habitation primaire et secondaire ont amorcé leur ralentissement. On ne peut compter là-dessus non plus.

Reste la contribution des gouvernements. Si Ottawa manifeste sa volonté d'ouvrir les vannes dans l'exercice 2016-2017, le quatrième trimestre a été encore sous le joug de l'austérité budgétaire fédérale et de la plupart des provinces.

On examinera enfin avec soin la variation du PIB exprimée en dollars courants. Avec la nouvelle chute des prix du pétrole en fin d'année, il est à craindre qu'il ait reculé, même si la croissance réelle a stagné, ou presque. Cela signifie que le Canada dans son ensemble se sera appauvri durant l'automne.

infographie la presse