L'économie canadienne paraît enfin en train de s'affranchir de sa trop grande dépendance du secteur énergétique. L'opération sera toutefois longue et bien douloureuse.

Les chiffres de l'emploi et de la balance commerciale publiés par Statistique Canada hier donnent un premier aperçu de ce qui se profile.

Du côté du marché du travail, les données de l'Enquête sur la population active montrent que le secteur privé hésite de plus en plus à recruter. À peine 30 000 embauches de janvier à janvier, deux fois moins que le secteur public.

En janvier, le nombre de salariés des entreprises a encore diminué tout comme celui des travailleurs autonomes. Au net, le nombre d'emplois n'a pratiquement pas bougé au Canada, mais le taux de chômage a augmenté d'un cran à 7,2 %. Il s'agit du taux le plus élevé depuis 2013. Il y a un an, le taux de chômage se situait à 6,2 %.

C'est l'Alberta qui souffre le plus. La province pétrolière a perdu 10 000 emplois encore le mois dernier, portant la saignée annuelle à 35 000, mais à 73 000 si on compte les emplois à temps plein seulement. Son taux de chômage grimpe à 7,4 %. Il dépasse celui de la moyenne canadienne pour la première fois depuis 1988. Il y a un an à peine, il se situait à 4,6 %.

Les Albertains ne sont pas au bout de leur peine. Le solde canadien du commerce international de marchandises montre que les exportations de produits énergétiques étaient à la hausse en décembre par rapport à novembre, malgré la baisse des prix. Aux cours actuels du brut, même les installations déjà amorties dans les sables bitumineux ne seront plus rentables d'ici peu.

À l'opposé, l'Ontario tire son épingle du jeu du contexte difficile actuel. La province a encore ajouté 19 800 emplois en janvier portant son total annuel à plus de 100 000. Le taux de chômage est stable à 6,7 %.

Seule la Colombie-Britannique est aussi parvenue à ajouter quelques emplois le mois dernier. Le nombre est toutefois si faible qu'il est non significatif.

Au Québec, autre province susceptible de profiter de la baisse des prix de l'or noir et de la dépréciation du huard, le nombre d'emplois a peu varié, tout comme au cours des quatre derniers mois. Le taux de chômage baisse quand même de trois dixièmes à 7,6 %, en raison de la désertion de 14 600 personnes des rangs de la population active. Il peut s'agir de gens découragés ou de nouveaux retraités.

À l'échelle canadienne, ce sont surtout dans les services de santé et le secteur de l'information, des loisirs et de la culture où se sont concentrés les embauches tandis que les effectifs des services financiers et de la fabrication ont été les plus réduits.

Au Québec, les usines ont modérément embauché tandis que les effectifs dans les services professionnels, le commerce et le transport ont diminué.

Les perspectives du marché du travail canadien sont peu réjouissantes, compte tenu du passage à vide de l'économie. Elles contrastent avec celles des États-Unis où le taux de chômage est passé à 4,9 %, son niveau le plus faible en huit ans. Un écart de 2,3 points avec le taux canadien n'avait pas été observé depuis 2002.

La forte amélioration de la balance commerciale canadienne en décembre suggère néanmoins que cette situation peut lentement s'améliorer. Le déficit est passé de 1,6 milliard en novembre à 585 millions en décembre, à la faveur d'un bond de 3,9 % de la valeur des exportations.

Cette hausse est bienvenue : la valeur des exportations a quand même reculé de 0,9 % pour l'ensemble de 2015. Le pire est peut-être passé.

Le commerce extérieur de marchandises est une autre bonne manière de mesurer le choc pétrolier. En 2014, le Canada a dégagé un excédent de 4,8 milliards. En 2015, il faut plutôt parler d'un déficit de 23,3 milliards.

Toutefois, si on exprime les échanges commerciaux en volume plutôt qu'en valeur, le portrait change du tout au tout : en 2014, la balance commerciale réelle devient un déficit de 10,3 milliards, celle de 2015, un excédent de 3,1 milliards.

Voilà la preuve que nous exportons davantage tout en nous enrichissant moins. Heureusement, les chiffres de décembre permettent d'espérer que cette situation est en train de changer. C'est le meilleur espoir d'une relance du marché du travail.