On a pu se réjouir l'an dernier du dynamisme relatif du marché du travail alors que l'économie canadienne a traversé une récession technique au premier semestre et un passage à vide durant l'automne.

À y regarder de plus près, le nombre de nouveaux travailleurs autonomes représente plus de la moitié (57 %) des 158 100 emplois que le Canada comptait de plus en décembre qu'un an plus tôt.

Pareille proportion est inhabituelle. Elle reflète le plus souvent la faible volonté des employeurs d'embaucher. Si aucune relance de la production ne survient prochainement, alors bien des travailleurs autonomes deviendront des chercheurs d'emploi.

Bref, il est bien possible que le taux de chômage actuel de 7,1 % d'un océan à l'autre augmente quelque peu au cours des prochains mois. On saura d'ailleurs vendredi si cette tendance a déjà commencé à s'installer en janvier.

C'est dans pareil contexte difficile que les autorités politiques doivent chercher à rehausser la qualité du marché du travail de manière à faciliter l'arrimage des compétences recherchées par les entreprises aux aptitudes de la main-d'oeuvre disponible.

Obliger les travailleurs à se déplacer, à déménager même, pour se rapprocher des lieux où il y a pénurie de main-d'oeuvre, sous peine de perdre leurs prestations d'assurance-emploi, ne permet pas de remplir les objectifs poursuivis, comme le montre une étude de Craig Alexander, de l'Institut C.D. Howe. La réforme honnie du gouvernement de Stephen Harper fait fausse route à ses yeux.

L'auteur préconise une nouvelle refonte des conditions d'admissibilité aux prestations d'assurance-emploi, harmonisées d'un océan à l'autre. Il déplore ainsi qu'il faille 700 heures de travail à un Albertain pour se qualifier aux prestations, contre 420 seulement pour un travailleur des provinces atlantiques, alors que le nombre de chômeurs augmente beaucoup plus vite ces mois-ci dans la province des cheiks aux yeux bleus.

Niveler par le haut ou par le bas reste matière à débat. Il faut à la fois tenir compte des grands cycles de certaines industries comme celles des ressources pétrolières ou de très petits comme celui de l'industrie de la pêche.

Faciliter la mobilité de la main-d'oeuvre plutôt que la forcer est susceptible de donner de meilleurs résultats. Bien des Canadiens sont prêts à déménager en échange d'un bon emploi.

Alexander fait ressortir que la révolution technologique actuelle supprime surtout le gagne-pain des travailleurs semi-spécialisés tant dans le secteur des biens que des services, avec la prolifération des robots et des services gratuits en ligne.

L'ancien économiste en chef de TD propose un programme en quatre points pour favoriser l'arrimage des compétences et des emplois disponibles. Outre le soutien aux travailleurs déplacés, il suggère d'améliorer la qualité des renseignements sur l'état du marché du travail. Les centres d'emploi, c'est bien beau, mais à l'heure de l'internet, les offres d'embauche et de services peuvent être dynamisées et coordonnées.

Il faudrait aussi stimuler la formation continue des travailleurs qui devront de plus en plus envisager un changement d'emploi au cours de leur vie professionnelle.

Enfin, le chercheur estime qu'il est impératif d'abattre les obstacles qui se dressent devant les travailleurs sous-utilisés, autochtones, immigrants et de 55 ans et plus, en particulier. Il s'agit à ses yeux d'un gaspillage.

Sans proposer de véritable solution, Alexander observe aussi que les diplômes les plus recherchés ne sont pas garants de meilleures perspectives professionnelles. Ils mènent souvent à une formation qui dépasse les exigences requises pour un emploi. C'est particulièrement le cas pour l'administration, les sciences sociales et humaines.

Il rappelle que les diplômés en éducation se placent plus difficilement dans leur domaine. Cela semble paradoxal alors qu'on clame de toutes parts que l'éducation doit être la priorité d'une société, si elle compte rester compétitive dans un univers économique mondialisé.

À cet égard, l'OCDE a montré que le Canada recule depuis le début du siècle.

Il existe bien des redites dans cette étude. Elle a le grand mérite toutefois de siffler la fin de la récréation. Se former est l'affaire de tous les individus et former son personnel celle de toutes les entreprises. Quant aux gouvernements, ils doivent faciliter ces efforts, aplanir les résistances plutôt que chercher à les vaincre.

Photo d'archives, Bloomberg

A job seeker, right, speaks with a job recruiter at the San Jose Career Fair in San Jose, California, U.S., on Tuesday, Nov. 10, 2015. The U.S. Department of Labor is scheduled to release initial jobless claims figures on November 12. Photographer : David Paul Morris/Bloomberg