Le retard entre la réalité et la publication d'indicateurs économiques qui la reflètent peut donner à penser que l'économie canadienne n'est pas aussi mal en point qu'on le claironne depuis quelque temps.

Après tout, la production n'a-t-elle pas retrouvé le chemin de la croissance en novembre ? À hauteur de 0,3 %, comme l'a rapporté hier Statistique Canada, la poussée mensuelle est même la deuxième en importance de 2015, derrière celle de juin et ex aequo avec celle de juillet.

Ceux et celles qui suivent les exportations seront ravis de constater que les activités d'extraction, de fabrication et de services publics ont toutes affiché des augmentations substantielles, tout comme les ventes des grossistes et des détaillants ainsi que les activités de transport, par train surtout, précise l'agence fédérale. Dans ce dernier cas, c'est avant tout à l'intensification de l'exploitation des sables bitumineux qu'il faut attribuer la croissance, tout l'or noir ne pouvant être acheminé par le réseau existant d'oléoducs déjà engorgé.

Sur une base annuelle, la croissance réelle atteint 0,2 % seulement. La production manufacturière recule de 1,1 %, l'extraction de 6,4 %, les services publics de 2,8 %, la construction de 3,6 %.

Dans la production de biens, seul progresse le secteur qui englobe foresterie, agriculture et pêche.

Du côté des services, la situation est moins vilaine, sur une base annuelle. Depuis quelque temps toutefois, des signes inquiétants émergent. Ainsi, malgré l'embellie générale en novembre, l'importante industrie de la finance et des assurances a reculé pour un quatrième mois d'affilée. 

Quand les marchés boursiers plongent, on n'attire pas beaucoup d'épargne dans les fonds communs et il est moins tentant pour une entreprise de se financer en émettant des actions...

Le bond de 1,2 % des ventes au détail laisse croire à des achats des Fêtes faits plus tôt.

Il serait surprenant que les ménages aient encore augmenté leurs dépenses en décembre. Les données de fin d'année connues à ce jour laissent plutôt croire que la croissance a ralenti, voire marqué le pas.

Au bout du compte, le pronostic de la Banque du Canada, selon laquelle l'activité économique a fait du surplace pour l'ensemble du dernier trimestre, est partagé par beaucoup d'économistes en dépit des chiffres de novembre. Pour qu'il se matérialise toutefois, il faut compter sur une modeste augmentation de l'activité en décembre, ce qui n'est pas acquis.

Un léger repli trimestriel serait le troisième en 2015 à se solder par une expansion limitée à 1,2 % environ.

Bref, le soubresaut de novembre ne doit pas faire illusion : l'économie canadienne paraît sans ressort et devra être stimulée par l'État.

De ce côté, il y avait un élément encourageant hier. Ottawa a dégagé un excédent de 400 millions en novembre. C'est 200 millions de moins qu'un an auparavant, mais ce n'est pas encore un déficit. Après huit mois, Ottawa se retrouve avec un surplus de 1 milliard pour 2015-2016, contre un déficit de 3,3 milliards un an plus tôt.

La situation budgétaire paraît jusqu'ici moins sombre qu'on l'avait cru. Il est probable toutefois qu'elle se détériore durant l'hiver à cause du ralentissement et des baisses d'impôt sur le revenu des particuliers entrées en vigueur le 1er janvier.

Le stimulus budgétaire apparaît de plus en plus comme une planche de salut pour l'économie canadienne. Les exportations hors énergie ne progressent pas assez rapidement pour prendre le relais des consommateurs alors que les entreprises sont peu enclines à investir, compte tenu des incertitudes sur la scène mondiale.

Les données préliminaires sur la croissance de l'économie américaine au quatrième trimestre sont décevantes. Le rythme d'expansion annualisé a été contenu à 0,7 % seulement, après 2,0 % durant l'été et 3,9 % au printemps. L'investissement des entreprises a diminué pour une première fois en trois ans.

À la différence de la canadienne, l'économie américaine a quand même du tonus : les ménages consomment, les entreprises continuent d'embaucher et le marché résidentiel est robuste. L'expansion va peut-être s'accélérer.

Cela crée des occasions favorables dont les fabricants du monde entier veulent profiter. Pas seulement les Canadiens qui doivent disputer âprement leur part du gâteau.

On en aura encore un aperçu vendredi quand paraîtront les chiffres de la balance commerciale de décembre. Tout le monde s'attend à un nouveau déficit.