Pour la première fois depuis juin 2006, la Réserve fédérale américaine augmente son taux directeur. Il évolue désormais dans une fourchette de 0,25% à 0,5%, soit 25 centièmes de plus que la fourchette précédente, en place depuis décembre 2008.

«Il s'agit d'un tout petit geste» dans une politique monétaire qui reste accommodante, a répété à maintes reprises sa présidente Janet Yellen durant la conférence de presse qui a suivi l'annonce, maintes fois télégraphiée depuis octobre.

Elle voulait ainsi rassurer les personnes qui craignent une hausse trop rapide des taux d'intérêt sur leurs cartes de crédit ou prêts hypothécaires à taux variable.

Mme Yellen a dû surtout expliquer pourquoi la Fed choisit d'aller de l'avant, malgré le fait que l'indice des dépenses personnelles de consommation, qui est la mesure de l'inflation préférée de la Fed, a progressé de 0,25% seulement en un an, soit bien moins que la cible de 2%.

À ses yeux, ce sont des éléments transitoires, tels la baisse des prix de l'essence ou l'effet baissier d'une monnaie forte sur les prix des biens importés, qui freinent la hausse du coût de la vie. «À la lumière de l'écart entre l'inflation présente et la cible de 2%, le Comité [de politique monétaire] va surveiller de près les progrès réels et anticipés vers son objectif d'inflation», précise d'ailleurs le communiqué faisant part de la décision prise à l'unanimité.

Les projections économiques des membres du conseil de la Fed et des présidents régionaux jugent que la cible de 2% ne sera pas atteinte avant 2018. Leur prévision médiane pour l'an prochain est de 1,6%, soit un dixième de moins que leur projection de septembre.

Mme Yellen a répété que si cette projection ne devait pas se matérialiser et que la faiblesse de l'inflation devait persister, la politique monétaire serait ajustée en conséquence. Pour l'instant, ni le rythme ni l'ampleur des hausses du taux directeur ne sont prédéterminés. Elles seront tributaires des indicateurs économiques.

Elle a aussi rappelé qu'il faut du temps pour qu'un changement du taux directeur se fasse pleinement sentir dans l'économie. Trop attendre risque de laisser se développer des pressions inflationnistes excessives. Il faudrait alors les endiguer par des hausses abruptes du taux directeur, avec le risque de créer une récession. En outre, persister dans une politique monétaire exceptionnellement accommodante, c'est risquer de ne pas avoir de marge de manoeuvre suffisante pour faire face à un choc négatif quelconque sur l'économie.

La Fed juge que la santé de l'économie américaine est suffisamment robuste pour justifier le début d'une normalisation de la politique monétaire: le marché du travail a pris beaucoup de mieux, les dépenses des ménages et les investissements des entreprises augmentent de manière convaincante et le marché de l'habitation continue de prendre du mieux. Seul bémol au tableau économique: les exportations restent faibles.

Quoi qu'il en soit, «le Comité s'attend à ce que les conditions économiques évoluent de manière telle qu'elles nécessitent seulement des augmentations graduelles du taux directeur (le fed fund rate). Ce taux va sans doute demeurer, un certain temps, en bas du niveau susceptible de prévaloir à long terme».

La médiane des prévisions des membres de la Fed place le taux directeur dans une fourchette de 1,25% à 1,5%, fin 2016, ce qui suppose quatre hausses de 25 centièmes sur huit dates de fixation. Fin 2017, la médiane est placée à un point de pourcentage de plus, ce qui représente encore quatre hausses, soit une de moins que la projection faite en septembre. Rien n'indique que la cadence sera régulière.

À long terme, le taux normal, c'est-à-dire celui où la politique monétaire est jugée ni accommodante ni restrictive dans un contexte de croissance potentielle, est estimé à 3,5%.

Comme on le voit, ce cycle de resserrement, s'il doit se matérialiser tel quel, est très différent du précédent. De 2004 à 2006, la Fed avait augmenté son taux directeur de 25 centièmes 17 fois d'affilée, jusqu'à 5,25%.

Un taux normal plus faible est justifié par un potentiel de croissance moins élevé. La Fed le situe à 2%. Pour l'an prochain, sa prévision de croissance est de 2,4%, celle de 2017, de 2,2%. Cela paraît suffisant pour occuper les capacités de production encore excédentaires.