Avec l'hiver et le froid qui s'amènent, le sous-zéro s'installe dans le quotidien.

On s'attend moins toutefois à ce qu'il soit l'élément-vedette du discours prononcé hier par le gouverneur de la Banque du Canada Stephen Poloz.

«En 2009, la Banque a déclaré ne pas pouvoir abaisser son taux directeur en deçà de 0,25%, a-t-il rappelé hier devant le parterre de l'Empire Club de Toronto. Nous sommes maintenant d'avis que la valeur plancher du taux directeur du Canada se situe autour de moins 0,5%, mais elle pourrait être un peu plus élevée ou un peu plus basse.»

Le gouverneur a paru bien conscient qu'il marchait sur des oeufs en faisant cette déclaration. Aussi a-t-il multiplié les bémols et les mises en contexte.

En voici deux: le premier en forme de voeu pieux: «J'espèce sincèrement que nous n'aurons jamais à nous en servir. Toutefois, dans un monde marqué par l'incertitude, la banque centrale doit être prête à toute éventualité.»

Le second est plus lié au contexte présent: «Nous n'avons pas besoin de politiques non traditionnelles à l'heure actuelle et nous ne nous attendons pas à devoir les utiliser.»

M. Poloz n'a d'ailleurs pas dérogé du scénario économique de la Banque détaillé dans le numéro d'octobre du Rapport sur la politique monétaire.

Cette réitération n'était pas attendue par maints observateurs qui auraient souhaité plutôt quelques commentaires, si ténus fussent-ils, sur l'avalanche de mauvais chiffres qui a déferlé sur l'économie canadienne depuis le début du mois: la croissance a été négative en septembre, le déficit commercial s'est aggravé en octobre, le taux de chômage a augmenté en novembre et le prix du baril de pétrole est passé sous la barre des 40$US, cette semaine.

Il s'en tient à un retour à la croissance au second semestre, après la légère récession technique du premier, suivie d'une accélération du rythme d'expansion au-delà des 2% en 2016 et 2017. Tout cela permettra le retour du taux d'inflation globale à sa cible de 2% vers le milieu de 2017.

«En arrière-plan toutefois, notre économie fait face à un ajustement long et complexe aux prix plus faibles des ressources, ajustement qui se poursuivra au cours des prochaines années», nuance-t-il pour nous inciter à la patience.

Voilà qui met la barre bien haute pour que les autorités monétaires envisagent une nouvelle baisse du taux directeur, fixé à 0,5% depuis juillet, même si on sait maintenant que la Banque est prête à aller beaucoup plus loin que son taux plancher reconnu jusqu'ici. Il y a un an, le taux cible de financement à un jour se situait à 1%.

M. Poloz a décrit tous les éléments de sa boîte à outils non conventionnels pour la conduite de la politique monétaire quand l'économie est en panne et que la déflation menace. Ils ont le mérite d'avoir été expérimentés par d'autres banques centrales, comme le taux directeur négatif, en place en Suisse et en Suède, notamment. Parmi ce que nous avons connu figurent les indications prospectives. Lorsque le taux directeur avoisine zéro, il peut être indiqué et efficace de s'engager à le garder inchangé durant une période prédéterminée, sous réserve des perspectives d'inflation.

Sous la gouverne de Mark Carney, la Banque avait innové à l'échelle mondiale en s'engageant de la sorte en 2009, au moment où elle avait abaissé son taux directeur à 0,25%.

L'objectif poursuivi est de faire baisser les taux d'intérêt à long terme dans l'espoir de stimuler le crédit et dynamiser l'économie.

Comme un grand nombre d'autorités monétaires, la Banque peut aussi, si besoin était, recourir à des achats massifs d'actifs financiers, ce qu'il est convenu d'appeler de l'assouplissement quantitatif. L'objectif est le même que pour les indications prospectives, mais l'impact et les risques assortis sont plus puissants, en théorie.

La Banque pourrait aussi financer le crédit comme Ottawa l'avait fait en rachetant des créances hypothécaires garanties détenues par les banques, en 2009 et 2010.

Il n'y a pas d'ordre prédéterminé dans le recours à ces outils, l'un pouvant être utilisé entre deux baisses de taux, par exemple.

En somme, la Banque est à la fois prête et pas pressée.