En raison des compressions imposées aux commissions scolaires au cours des deux derniers budgets du gouvernement Charest, au moins 20 d'entre elles, soit le tiers, vont devoir déclarer un déficit d'exploitation au cours de la prochaine année scolaire. C'est le double de la présente année scolaire qui se termine le 30 juin prochain.

C'est ce qu'a révélé à La Presse Affaires la présidente de la Fédération des commissions scolaires du Québec (FCSQ), Josée Bouchard, dont l'organisme représente et regroupe les 60 commissions scolaires francophones du Québec.

Pis encore, les 20 commissions scolaires déficitaires vont se retrouver en situation d'illégalité puisqu'en vertu de la loi, une commission scolaire n'a pas le droit de déclarer un déficit d'exploitation.

À qui la faute? Selon Mme Bouchard, il est clair que le gouvernement Charest est entièrement responsable de la situation financière chaotique qui assaille de plus en plus de commissions scolaires au Québec.

Ça ne va vraiment pas bien pour les commissions scolaires. Ainsi, non seulement elles se font matraquer sur la place publique par le parti politique (CAQ) de François Legault qui veut carrément les abolir, mais, en plus, elles se font imposer par le gouvernement Charest des compressions financières totalement irresponsables aux yeux de la présidente de la FCSQ.

Sans aucun avertissement, le gouvernement Charest leur a fait subir l'an dernier une première salve de compressions de 170 millions de dollars.

Puis, dans le cadre du dernier budget du ministre des Finances Raymond Bachand, une deuxième vague de compressions de 150 millions va frapper cette fois la prochaine année scolaire, allant de juillet 2012 à juin 2013.

Pour montrer à quel point la communication est difficile avec la nouvelle ministre de l'Éducation, Michelle Courchesne, Mme Bouchard raconte que la ministre ne veut pas que les commissions scolaires parlent de «compressions» budgétaires, mais plutôt «d'efforts» budgétaires. Beau dialogue de sourds en perspective! Comme si des «efforts» de 320 millions sur deux années allaient être plus faciles à encaisser et faire ainsi moins de dommages aux services éducatifs que des «compressions» de 320 millions. Ridicule!

Où les commissions scolaires doivent-elles couper dans leurs budgets pour répondre aux ordres du gouvernement Charest? Elles n'ont pas d'autres choix que de couper dans les frais dits de nature administrative. Sur une enveloppe annuelle de quelque 10,3 milliards de dollars consacrée aux dépenses de fonctionnement et d'investissement des services éducatifs rendus par 69 commissions scolaires (60 francophones et 9 anglophones), les frais administratifs sont de l'ordre de 5,6%. On parle d'environ 575 millions de dollars.

Question: est-ce une somme exagérée que de consacrer aux frais d'administration un pourcentage de 5,6% de l'enveloppe budgétaire vouée aux commissions scolaires? À titre de comparaison, rétorque Mme Bouchard, les frais d'administration accaparent 12% de l'enveloppe budgétaire des municipalités.

Les commissions scolaires desservent un million d'élèves, répartis dans 2500 établissements d'enseignement. Elles sont responsables de l'éducation préscolaire, de l'enseignement primaire et secondaire, plus la formation générale des adultes et la formation professionnelle.

Aussi importante soit-elle, la gestion scolaire intéresse peu la population. À preuve, la masse des gens ne se déplace pas pour aller voter aux élections scolaires des commissaires.

Voilà pourquoi, selon Mme Bouchard, peu de gens prennent la défense des commissions scolaires alors que le gouvernement Charest, et les détracteurs de la CAQ, les font passer pour des «brasseux» de papier. Quelle fausse image tente-t-on de répandre sur le dos des commissions scolaires quand on sait, dit-elle, que toute l'organisation pratico-pratique du système de formation scolaire (préscolaire, primaire, secondaire, adulte, professionnelle) leur passe entre les mains, y compris bien sûr l'application des conventions collectives.

Par ailleurs, la Fédération des commissions scolaires n'aime pas la façon hypocrite avec laquelle le gouvernement Charest procède pour effectuer les impressionnantes compressions scolaires.

L'an dernier, c'est au cours de la consultation sur le projet de règles budgétaires du ministère de l'Éducation que la FCSQ avait appris que, contrairement à ce qui avait été affirmé par le gouvernement lors du discours sur le budget 2011-2012, il y avait des compressions immenses dans le réseau scolaire. Initialement évaluées à 110 millions, les compressions ont atteint les 170 millions l'an dernier.

Réaction de la présidente Bouchard: «C'est inacceptable et méprisant à l'égard de la population!»

Qu'à cela ne tienne, le gouvernement Charest a récidivé à son dernier budget en ajoutant cette fois des compressions additionnelles de 150 millions de dollars. En fait, le gouvernement a imposé aux commissions scolaires des dépenses additionnelles de 450 millions (indexation des conventions collectives, plus une nouvelle série de mesures scolaires) tout en leur refilant moins de 300 millions de crédits budgétaires. De là le trou de 150 millions qu'il refile aux commissions scolaires.

Où les commissions scolaires vont-elles puiser ces centaines de millions de compressions imposées par Québec depuis deux ans? Le gouvernement Charest leur ordonne d'en puiser une partie dans les surplus que des commissions scolaires ont accumulés au fil des années avec les taxes scolaires, l'autofinancement de certaines activités et une gestion excessivement serrée. Quant au reste, cela se fait inévitablement sur le dos des services rendus à la clientèle scolaire.

Il y a évidemment place à amélioration dans l'imposant réseau des commissions scolaires. Toutefois, ce n'est pas en abolissant la démocratique structure des commissaires d'école que ça va coûter moins cher. La charge annuelle de toutes les activités liées aux commissaires totalise environ 26 millions de dollars. Cela représente une minifraction de 0,002% des 10,3 milliards de dollars du réseau des commissions scolaires.