Si jamais vous décédez à un âge relativement jeune, et par surcroît célibataire et sans enfants de moins de 18 ans à charge, le Régime des rentes du Québec (RRQ) se montrera très chiche envers votre succession.

En fait, la RRQ se contentera de lui verser seulement une modeste somme de 2500$ à titre de prestation de décès.

De concert avec votre employeur, mettons que vous avez englouti quelque 80 000$ de cotisations (somme maximale versée jusqu'à maintenant) dans la caisse de la RRQ au fil de votre carrière. Oh malheur! vous trépassez avant même de commencer à retirer des prestations de la RRQ, ou peu de temps après.

Eh bien! votre succession se retrouvera Gros-Jean comme devant. À l'exception de la prestation de décès de 2500$, la RRQ conservera dans sa caisse la totalité des cotisations que vous et votre employeur avez versées, plus évidemment les revenus que cette cagnotte a générés depuis que vous avez commencé à cotiser à la RRQ.

Ainsi fonctionne le régime gouvernemental de la RRQ. Fait important. On parle quand même ici d'un régime public entièrement financé non pas par le gouvernement, mais par les travailleurs et leurs employeurs. Et dans le cas des travailleurs autonomes, ils sont tenus de verser le double de la cotisation de l'employé salarié.

En cette année 2012, la cotisation à la RRQ porte sur un montant maximal de 46 600$ (50 100$ de maximum de gains admissibles dit MGA - 3500$ d'exemption). Le taux de cotisation s'élève à 10,05% pour le travailleur autonome, ou de 5,025% pour l'employé et 5,025% pour son employeur. La cotisation maximale va atteindre cette année 4683,30$, à diviser en parts égales entre employé (2341,65$) et employeur (2341,65$).

Le taux de cotisation va augmenter de 0,15% par année d'ici 2017, ce qui le portera à 10,8%. À cette hausse, il faut ajouter également la hausse annuelle du MGA.

Donc, le régime va coûter de plus en plus cher. Manifestement, le travailleur célibataire et sans enfants à charge va être appelé à contribuer à un régime gouvernemental qui le désavantage au profit des couples et de la cellule familiale. On dira que le même célibataire se fait harponner le portefeuille en payant des impôts et taxes pour des services qui profitent davantage à l'ensemble de la société et plus particulièrement aux familles, qu'à lui-même.

Une nuance mérite d'être apportée ici. La RRQ, c'est une sorte de régime de retraite dont les rentes sont établies en fonction des cotisations versées par l'employé et son employeur. À la différence d'un REER, la succession n'a droit à pratiquement rien dans le cas des personnes célibataires.

Tant pis pour le cotisant célibataire, la RRQ est un régime collectif d'assurance sociale. Ce qui implique la redistribution de la cagnotte de ses cotisants, qu'ils en aient bénéficié ou pas.

«Le Régime de rentes du Québec, précise un actuaire de l'organisme, est une assurance sociale qui prévoit une mutualisation des risques de décès entre les cotisants. Ainsi, ceux qui meurent tôt obtiennent des bénéfices moins élevés, alors que les retraités qui vivent au-delà de l'âge moyen en obtiennent davantage.»

Sur les 3,8 millions de travailleurs qui cotisent au régime, la Régie des rentes du Québec n'est pas en mesure de donner le pourcentage précis de travailleurs qui sont célibataires et sans enfants à charge. Mais un rapide coup d'oeil démographique permet d'évaluer à environ 30% le taux de travailleurs célibataires qui ont moins de 60 ans.

Par contre, à la lumière des statistiques compilées par l'Institut de la statistique sur les gens mariés selon le groupe d'âge, la Régie estime qu'environ 40% de ses bénéficiaires de la rente de retraite âgés de 60 à 75 ans sont célibataires. Par après, le pourcentage augmente...

L'adoption de la Loi sur le régime de rentes du Québec remonte à juillet 1965. Le Québec est la seule province canadienne qui détient son propre régime public de pensions. Les autres provinces canadiennes ont préféré adhérer au Régime de pensions du Canada, lequel régime fédéral offre les mêmes avantages.

Un rappel de la protection offerte par le régime de la RRQ. Il donne droit à six types de prestations: une rente de retraite au travailleur âgé d'au moins 60 ans; une rente de conjoint survivant, une rente d'orphelin, et une prestation de décès dans le cas d'un décès; une rente d'invalidité au travailleur devenant invalide, plus une rente d'enfant à charge d'une personne invalide.

Une suggestion pour terminer. En cas de décès avant l'âge de 65 ans, le Régime des rentes devrait prévoir un mécanisme de remboursement à la succession d'un cotisant d'une partie des cotisations versées par son employeur et lui.

Cela me semblerait plus équitable comme régime d'assurance sociale!

Pour joindre notre chroniqueur: mgirard@lapresse.ca