Que l'Agence du revenu du Québec parte à la chasse aux fraudeurs pour récupérer les impôts et les taxes impayés, personne n'est contre. Mais que Revenu Québec harcèle d'honnêtes contribuables pour arrondir les fins de mois du gouvernement du Québec, ça, c'est inacceptable.

Heureusement, il y a parfois des victimes qui, grâce à leur entêtement, n'ont pas peur de se battre contre le fisc québécois et de dénoncer l'utilisation de stratégies parfois abusives.

Un exemple? Juste avant l'audition de sa cause, Paintball Mirabel a réussi à faire annuler tous les avis de cotisation de Revenu Québec. Mais en plus, l'entreprise a réussi à faire cracher à Revenu Québec la somme de 119 764$ pour payer les frais juridiques et comptables qu'elle a engagés pour se battre en cour contre le fisc.

«Ce qui est assez inusité», selon le procureur de Paintball, Yves Ouellette, associé au bureau d'avocats de Gowlings, à Montréal. Et Me Ouellette, expert dans le domaine du litige fiscal, sait de quoi il parle. Avant de se joindre à Gowlings, il a travaillé au sein du gouvernement du Québec pendant plus de 19 années à titre de directeur des services juridiques de Revenu Québec.

Paintball Mirabel est une société de 50 employés qui exploite un centre récréatif de jeu d'aventure extérieur et intérieur, à Mirabel. Le paintball est un jeu de simulation de guerre avec des fusils chargés de balles remplies de peinture.

Quel était son litige fiscal avec Revenu Québec?

Selon la méthode utilisée par le vérificateur de Revenu Québec pour reconstituer le volume des ventes de l'entreprise, Paintball Mirabel avait prétendument omis de déclarer des ventes de 1,9 million de dollars pour les exercices financiers se terminant en 2004, 2005 et 2006.

Conséquences fiscales? Revenu Québec émettait des nouveaux avis de cotisation pour ces trois années, pour un total de 487 077$, dont 219 295$ d'impôt, 148 718$ de TVQ et 119 064$ de TPS.

Le cas de Paintball Mirabel, explique Me Ouellette, illustre parfaitement l'abus de pouvoir, le manque de discernement et la voracité de Revenu Québec.

Dès août 2008, et s'appuyant sur les rapports préliminaires de l'expert comptable de Paintball, Me Ouellette a commencé à faire des démarches auprès de la direction de la vérification de Revenu Québec dans le but de dénoncer la méthode d'évaluation des ventes du vérificateur attitré au dossier.

«À la suite de nos représentations, ajoute l'avocat, la direction de la vérification de Revenu Québec a préféré ne pas se mêler de ce dossier et de laisser à la direction des oppositions le soin d'examiner les motifs de contestation. Ainsi, Paintball Mirabel a dû signifier des avis d'opposition à l'encontre de toutes les cotisations.»

À la fin d'août 2009, Me Ouellette et l'expert comptable rencontrent l'agent d'opposition de Revenu Québec. On lui présente un dossier comprenant une cinquantaine de documents, dont des analyses comptables et des pièces justificatives. «La rencontre a duré cinq heures sans interruption et l'agent d'opposition, dès le départ, avait déjà un rapport préparé quant à sa décision. L'agent d'opposition a pris deux pages de notes, sans plus. Des pages illisibles. Alors que les avis de cotisation émis auraient dû être annulés complètement à ce stade, ceux-ci ont été modifiés et réduits en partie.»

«Paintball Mirabel, pendant ce temps, a dû payer les montants des avis de cotisation relatifs à la TPS et à la TVQ. Et l'entreprise a dû nous demander de donner une opinion à ses banquiers pour les rassurer sur le fait que leur financement n'était pas en péril.»

Paintball Mirabel a décidé de se battre jusqu'au bout et a déposé une requête en appel d'avis de cotisation (impôt et TVQ) devant la Cour du Québec, plus un avis d'appel devant la Cour canadienne de l'impôt au sujet de la TPS.

Finalement, Revenu Québec a décidé de régler le dossier à l'amiable, annulant les avis de cotisation, en plus de payer les fais juridiques et les frais comptables payés par Paintball.

Ce feuilleton judiciaire n'aurait jamais dû avoir lieu. «Il démontre, explique Me Ouellette, que Revenu Québec est prête à émettre des avis de cotisation arbitraires, abusifs, sans fondement, et qui obligent les contribuables à encourir des frais élevés d'avocats et de comptables afin d'obtenir justice.»

Me Ouellette ne se gêne d'ailleurs pas pour varloper d'aplomb Revenu Québec. «Il est facile d'émettre des avis de cotisation à tort ou à raison et de créer des comptes à recevoir très élevés, alors que la récupération de ces comptes ne donnera aucun résultat.»

«L'émission d'avis de cotisation, poursuit-il, génère des comptes à recevoir élevés mais il est toujours intéressant de voir ce qu'il advient de ces avis de cotisation au cours des années qui suivent leur émission...»

De plus, Me Ouellette reproche à Revenu Québec d'émettre des factures et des cotisations d'impôt et de taxes beaucoup trop élevées, ce qui décourage les contribuables et les empêche de se battre pour obtenir justice.

Il invite Revenu Québec à appliquer les lois fiscales «avec discernement, raisonnabilité et compétence» dans le but de maintenir la confiance des contribuables dans les institutions publiques.