Des provinces et des villes hyper endettées, qui sont incapables de rembourser leurs créanciers. Un gouvernement central qui doit voler à leur rescousse pour éviter un défaut de paiement.

La Grèce? Le Portugal? Non, la Chine.

Aussi étonnant que cela puisse paraître, l'autorité suprême des milieux financiers, la Commission chinoise de régulation bancaire (CBRC), envisage de restructurer les dettes des collectivités locales en Chine, a révélé mardi dernier le China Daily, citant une source au sein de cette commission. Les sommes en jeu sont énormes, soit quelque 1700 milliards CAN (10 700 milliards de yuans).

Près de la moitié de ces prêts doit être remboursée cette année. Toutefois, plusieurs provinces et municipalités ne pourront pas honorer leurs engagements, confirmant ainsi les soupçons qu'entretiennent les milieux financiers occidentaux au sujet de la Chine.

On ne sait toujours pas quelle proportion des dettes locales devrait être restructurée. Or, selon des experts, les prêts arrivant à maturité cette année pourraient être étendus pour une période de quatre ans. Autrement dit, Pékin doit donner de l'oxygène aux régions, qui étouffent littéralement sous le poids de leurs dettes.

Le dérapage

Pour le moment, la Chine est encore loin d'une crise majeure.

La situation financière de l'empire du Milieu est globalement saine, avec un endettement public inférieur à 20% de la richesse collective (PIB). Sans oublier que Pékin a accumulé un joli pactole pour les jours difficiles, soit quelque 3000 milliards US en réserves monétaires. C'est le plus grand trésor du monde.

Mais on connaît mal les dettes des gouvernements régionaux, qui ne sont pas comptabilisées dans le budget national. D'où la source des inquiétudes actuelles.

Les collectivités locales ont emprunté massivement après la crise financière 2008-2009 pour relancer l'économie grâce à la construction d'infrastructures et à des programmes immobiliers. Cependant, une partie de ces projets est d'une rentabilité douteuse.

En Chine, les collectivités n'ont pas le droit d'emprunter. Pour contourner les règles, elles ont créé des structures obscures appelées «plateformes de financement» (il y en aurait plus de 8000), qui empruntent en leur nom auprès de banques.

Or, ces fonds régionaux ont pompé depuis deux ans des milliards dans des projets immobiliers qui, au plan financier, se fissurent à vue d'oeil avec le dégonflement de la bulle immobilière.

Faut-il rappeler que Pékin impose, depuis un an, diverses restrictions pour endiguer la spéculation immobilière. Du coup, l'État a indirectement mis à mal plusieurs administrations régionales.

Ces dernières ont d'importants portefeuilles immobiliers, surtout des terrains qu'il faut revendre pour rembourser des dettes. Le problème, c'est que ce marché s'est effondré.

Selon le China Index Academy, le nombre de ces opérations a diminué de moitié en un an dans les 300 principales villes du pays. Les prix des terrains ont baissé d'environ 30%, une chute plus vertigineuse que la baisse des prix des logements, car les promoteurs hésitent à acquérir les terrains.

La situation menace aussi plusieurs banques, qui ont prêté aux villes et aux provinces. Citigroup a déjà évalué que 20% de ces prêts seraient potentiellement irrécupérables.

De l'aide S.V.P.

Depuis le début 2012, les régions accentuent la pression pour que Pékin lâche du lest.

Il y a une semaine, le premier ministre Wen Jiabao a admis l'existence du problème en annonçant que son gouvernement «affinera» sa politique économique pour freiner la chute du marché immobilier. En clair, cela signifie que Pékin est inquiet.

Surtout que les problèmes financiers des régions viennent assombrir le portait économique chinois, qui laisse voir plusieurs bavures. À preuve, voici quelques indicateurs récents:

- Les investissements étrangers directs (IDE) en Chine ont diminué en janvier pour le troisième mois consécutif, a-t-on appris jeudi. Le pays a attiré 9,9 milliards US en IDE, un montant en baisse de 0,3% sur un an. Les investissements provenant de l'Union européenne ont eux plongé de 43%.

- L'indice PMI dans le secteur des services a montré un net recul en janvier, tombé à 52,9, contre 56,0 en décembre.

- Et la Chine a enregistré en janvier son excédent commercial le plus élevé en six mois (27,3 milliards US). Une bonne nouvelle? Pas vraiment, car celui-ci résulte d'une chute de 15% des importations (sur un an) tandis que les exportations diminuaient de 0,5%.

Bref, les affaires ne vont pas à merveille pour le dragon chinois.

Le dernier bilan économique apporte des motifs supplémentaires aux autorités pour qu'elles soutiennent la croissance. Samedi, la banque centrale chinoise a d'ailleurs annoncé qu'elle réduira le ratio de réserves obligatoires des banques (d'un demi-point de pourcentage à 20,5%) pour alléger les restrictions sur le crédit.

Une baisse des taux d'intérêtsuivra-t-elle sous peu? Qui sait. Le reste du monde a bien besoin, lui aussi, d'une bouffée d'oxygène en provenance de la Chine.