Le marché immobilier canadien est-il à l'abri d'une sévère correction à la baisse?

Tout d'abord, voici les chiffres dont il est important de se rappeler avant de tirer quelque conclusion que ce soit.

Au cours des 20 dernières années, selon la Banque du Canada, la valeur des actifs immobiliers résidentiels a augmenté plus de 250%. Ce qui dépasse, et de loin, l'augmentation du revenu disponible et l'indice des prix à la consommation.

Le logement, précise l'institution fédérale, représente à lui seul quelque 40% de l'actif total d'une famille moyenne. Cela équivaut à l'actif que la famille détient en placements en actions, en assurances et en fonds de pension combinés.

Une analyse des données de «L'indice de prix de maison Teranet - Banque Nationale», lequel est basé sur les prix résidentiels des 11 grandes villes canadiennes, nous permet de constater que les prix des habitations a doublé au Canada au cours des dix dernières années, soit de novembre 2001 à novembre 2011.

De façon plus ciblée, sachez que les prix résidentiels ont grimpé au cours de cette période de 113% à Montréal et de 139% à Québec. Ce sont à Winnipeg ("150%) et Vancouver ("141%) où les plus fortes hausses ont été enregistrées. Étonnamment, Toronto a dû se contenter d'une augmentation de 74% en dix ans et Ottawa en a été quitte pour une hausse de 78%. À Calgary et Edmonton, les hausses s'élèvent respectivement à 97,5% et 123%. Les plus modestes augmentations ont eu lieu à Hamilton ("68%) et Halifax ("76%).

Le rythme d'augmentation pancanadien a toutefois ralenti lors des cinq dernières années, alors que le taux annualisé est passé de 7,0% à 5%. À Montréal, par exemple, on est passé d'un taux annualisé de 8,0% sur dix ans à un taux de 6,0%. À Edmonton, la croissance annualisée des prix tombe de 8,0% (10 ans) à seulement 3,0% lors des cinq dernières années.

Il faut cependant relativiser ce taux moins élevé d'augmentation des prix résidentiels. L'augmentation est certes moins forte sur cinq ans, mais elle est survenue à partir de prix résidentiels nettement plus élevés qu'il y a dix ans.

Précisons que certaines villes ont conservé le même rythme d'augmentation de prix, soit Québec ("9,0%), Toronto (autour de 6,0%); Winnipeg ("9,0%).

En raison de la hausse des prix des habitations, la dette immobilière résidentielle (1300 milliards de dollars de prêts hypothécaires) a grimpé de 150% lors des dix dernières années. C'est presque quatre fois l'augmentation des emprunts contractés par les entreprises canadiennes. Il y a 10 ans, le stock de la dette immobilière résidentielle était inférieur à la dette des entreprises. Maintenant, affirme la Banque du Canada, la dette immobilière dépasse la dette des entreprises de 66%.

À cause de l'importante augmentation de l'encours des prêts hypothécaires résidentiels, le taux d'endettement des ménages canadiens atteint aujourd'hui un taux record de 153%. On n'est pas loin du ratio d'endettement (dette/revenu disponible) que les ménages américains avaient atteint (autour de 160%) dans les mois précédant la grande déconfiture de leur marché immobilier résidentiel.

Alors que les banquiers et les courtiers immobiliers continuent de se montrer optimistes envers le marché immobilier résidentiel, le gouverneur de la Banque du Canada, Mark Carney, et le ministre des Finances Jim Flaherty lancent des signaux d'alerte.

Qui aura raison? Par rapport aux banquiers et courtiers, MM. Carney et Flaherty ont un atout de plus avec leur analyse des perspectives du marché résidentiel canadien. Ils sont carrément objectifs puisqu'ils ne sont aucunement impliqués dans le marché immobilier. Les banquiers (banques, caisses et autres institutions financières), les chambres immobilières et les courtiers immobiliers... ont tout intérêt à ce que le marché résidentiel poursuive sa chevauchée à la hausse.

Si le marché devait s'effondrer, ils se retrouveraient automatiquement du côté des grands perdants. Avec les propriétaires, bien entendu.

Entendons-nous bien. Je ne dis pas que les prévisions des économistes à l'emploi des institutions bancaires et de l'industrie du courtage immobilier sont malhonnêtes. Pas du tout. Le hic: ils ont un net penchant pour l'optimisme... jusqu'au jour où les crises financières éclatent. Après, ils deviennent plus pessimistes. Parenthèse: l'an dernier, en janvier 2011, la plupart des stratèges des institutions financières anticipaient une hausse de la Bourse. Ils sont devenus pessimistes quand les marchés se sont écroulés...

Avant que le marché immobilier ne s'écroule aux Etats-Unis, de 30 à 60% selon les régions, y avait-il des banquiers et des courtiers immobiliers qui lançaient publiquement des mises en garde contre un possible effondrement? Quelques exceptions, peut-être...

Bien sûr, certaines villes présentent des risques de correction plus élevés que d'autres. Vancouver et Toronto, où les prix sont très élevés, apparaissent plus vulnérables que Montréal et Québec.

Le problème? C'est comme en Bourse. Quand une correction frappe, toutes les entreprises écopent, même celles qui ne sont pas surévaluées. Pourquoi en serait-il autrement avec le marché immobilier?

Comme les taux hypothécaires sont à leur plus bas, ils ne pourront que remonter. Le jour où les taux grimperont d'un point de pourcentage, cela se traduira par une hausse de 13 milliards de la dette hypothécaire canadienne.

Ça deviendra étouffant pour plusieurs proprios!