Durant les années 70, lorsqu'il dirigeait une firme de consultants, l'ex-président de la Réserve fédérale Alan Greenspan avait déniché une boule de cristal plutôt originale afin de mieux prévoir les mouvements de l'économie américaine: les ventes de sous-vêtements pour hommes.

Personnage vénéré à une certaine époque, mais controversé à la fin de son règne de 19 ans à la Fed, M. Greenspan a certes suivi d'autres indicateurs plus conventionnels durant sa longue carrière. Mais il aimait aussi garder un oeil sur les «vraies affaires» sur le terrain.

M. Greenspan avait remarqué que les ventes de caleçons pour hommes ont tendance à augmenter lorsque l'économie s'améliore et à diminuer lorsque les choses commencent à se gâter.

Le raisonnement du grand argentier est le suivant: lorsque ses affaires s'améliorent, un homme voudra se gâter en s'offrant, pourquoi pas, des sous-vêtements plus «confos» ou plus attrayants. En revanche, s'il craint pour son avenir financier, voilà un endroit où monsieur pourra économiser sans que cela paraisse trop...

Or, la bonne nouvelle, c'est que les ventes de «bobettes» pour hommes sont en croissance aux États-Unis, a rapporté le New York Times peu avant Noël.

Une recherche plus approfondie confirme que les ventes de sous-vêtements masculins étaient en hausse de 3 à 5% durant la première moitié de 2011, selon différentes sources. Autrement dit, l'économie américaine semble... bien soutenue par cet augure indiscret de M. Greenspan.

Feuilles de thé

Beaucoup de choses ont été dites et écrites sur les indicateurs économiques «hors normes». On pense aux ventes de rouges à lèvres, de boîtes en carton, d'alcool bon marché, etc.

Les ventes de ces produits ont l'habitude de fluctuer davantage en période de prospérité ou de récession. Mais pour ce qui est de prévoir la conjoncture, ils sont aussi fiables que les feuilles de thé, diront beaucoup d'économistes.

N'empêche que plusieurs paramètres plus crédibles - comme la création d'emplois, la construction, les ventes de détail et la confiance des ménages - laissent entrevoir une embellie de l'économie américaine en 2012. On a donc des raisons d'être optimistes.

Toutefois, des experts font remarquer que la crise financière 2008-2009, qui a fait chuter l'avoir net des Américains de près de 20% en moyenne, a été à ce point sévère et violente que le paysage démographique des États-Unis en ressort aujourd'hui transformé et, surtout, peu porteur à long terme pour l'économie.

La population croît moins vite

Selon les dernières données du recensement, la population américaine a crû en 2011 à son rythme le plus faible depuis les années 40. La grande coupable: l'économie amorphe, qui décourage les naissances et l'immigration.

La population des États-Unis a crû de 2,8 millions de personnes d'avril 2010 à juillet 2011. L'augmentation de 0,7%, pour l'année se terminant à la fin du mois de juillet, est la plus faible enregistrée depuis 1945, la population ayant diminué de 0,3% à la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Selon William H. Frey, démographe à l'Institut Brookings, à Washington, ces résultats ne témoignent pas d'une «vigueur nécessaire» à une reprise soutenue de l'économie.

L'immigration n'a rien fait pour aider: le nombre d'immigrants - 703 000 pour l'année terminée à la fin du mois de juillet - est le plus faible enregistré depuis 1991.

Durant les années fastes, comme de 2001 à 2006, les États-Unis avaient un solde migratoire net d'au moins un million de nouveaux arrivants par an, avec un sommet de 1,2 million en 2001.

Les Américains sont aussi moins attirés par le mariage en ces temps incertains.

Seulement 51% des gens de 18 ans et plus sont mariés aujourd'hui, contre 57% en 2000 et 72% en 1960, rapportent des médias américains.

Des changements dans les moeurs et la préoccupation pour la sécurité d'emploi expliquent la perte de popularité du mariage, affirment des chercheurs de l'Université John Hopkins.

Les jeunes adultes «ne penseront pas au mariage s'ils se sentent vulnérables financièrement», explique le sociologue Andrew Cherlin dans un commentaire paru sur le site web du Financial Times.

En somme, beaucoup d'indicateurs économiques pointent dans des directions différentes ces temps-ci.

Difficile tout de même de résister à la tentation; Alan Greenspan, ce n'est pas n'importe qui...

Alors un petit coup de fil chez le fabricant de sous-vêtements Jockey, du Wisconsin, et voici les nouvelles les plus fraîches telles que fournies par le directeur des communications du groupe américain, «Moe» Moorman: «Nous avons terminé l'année avec des ventes solides, comme tout le monde dans notre milieu. Et nos attentes pour 2012 sont très bonnes.» Yesss!