Le marché immobilier en Chine ralentit rapidement. Les autorités chinoises et internationales s'inquiètent, surtout pour les banques locales déjà fragiles.

Lorsque la bulle immobilière a atteint son apogée en Chine l'an dernier, des dizaines d'acheteurs avaient érigé leur tente dans l'île tropicale de Sanya, au sud du pays. On se préparait ainsi à être les premiers à faire une offre pour les nouveaux condos qui allaient être mis en vente.

Moins d'un an plus tard, les tentes ont disparu, a constaté le New York Times récemment. À leur place, des affiches ont été installées sur les immeubles tout neufs, annonçant des rabais allant jusqu'à 28% sur les condos naguère si convoités.

Plus au nord, dans la mégapole de Shanghai, des médias chinois rapportent que les locaux d'une agence immobilière ont été saccagés il y a quelques jours par des propriétaires de condos, furieux de constater que des logements inoccupés de leur immeuble étaient mis en vente à des prix réduits.

Ces proprios ont du mal à avaler la soudaine décote de l'investissement de toute une vie. Dans la ville la plus peuplée de Chine, comme ailleurs au pays, les prix de l'immobilier baissent rapidement.

Des reculs un peu partout

Parmi les 70 principales villes de Chine, presque la moitié (33) ont vu les prix du logement diminuer en octobre, selon des données gouvernementales. Elles n'étaient que 16 villes à avoir suivi une telle trajectoire un mois plus tôt.

À première vue, on pourrait croire à une bonne nouvelle. Car le gouvernement chinois a instauré il y a quelques mois des restrictions sévères, tant sur le crédit immobilier que sur la spéculation, justement pour dégonfler une bulle immobilière devenue alarmante.

Or, ces mesures sont peut-être trop efficaces, car le repli du marché immobilier est plus rapide que plusieurs ne le voudraient. À Shanghai, par exemple, le nombre de transactions immobilières a plongé de 45% au cours des trois premières semaines de novembre par rapport à la même période l'an dernier, selon une agence immobilière locale.

Dans ce contexte, près d'un millier d'agences immobilières ont fermé leurs portes à Pékin, faute de transactions, depuis le début de l'année (177 pour le seul mois d'octobre), rapporte l'agence de presse officielle Chine Nouvelle.

«Le secteur immobilier est en train de basculer, étant donné que les résultats s'aggravent très rapidement», affirme l'économiste Zhang Zhiwei, de la firme Nomura Holdings, dans une note publiée la semaine dernière.

Les banques

L'immobilier est un pilier de l'économie chinoise, représentant 6,1% du PIB (produit intérieur brut), selon la banque Citigroup.

Pourtant, des experts prévoient que la glissade des prix va se poursuivre, marquant au final des baisses de 15 à 30% d'ici deux ans, selon Mark Mobius, réputé gestionnaire de fonds avec la firme Franklin Templeton.

Si cela fera l'affaire des futurs acheteurs, une soudaine crise immobilière pourrait porter un coup dur au secteur bancaire déjà fragilisé par le ralentissement économique.

Le Fonds monétaire international (FMI) est d'ailleurs fort inquiet.

La rapide croissance des prêts bancaires depuis la crise financière de 2008 a provoqué un endettement massif de nombreuses sociétés privées et des gouvernements locaux. Plusieurs d'entre eux pourraient devenir insolvables si la croissance continue de ralentir et les prix de l'immobilier, de baisser, a averti récemment le FMI, qui réclame des réformes dans le secteur financier.

Président du fonds spéculatif new-yorkais Kynikos Associates, Jim Chanos a affirmé mercredi dernier que le système bancaire chinois repose sur «du sable mouvant» parce que plusieurs banques n'ont pas assez de capitaux pour affronter une crise. M. Chanos est devenu célèbre pour avoir prédit la faillite du courtier en énergie Enron en 2001.

Le gouvernement chinois prend la situation très au sérieux, selon plusieurs sources. Pékin devrait d'ailleurs assouplir, d'ici au printemps, les restrictions à l'achat de logements pour requinquer l'immobilier, selon une étude universitaire chinoise publiée la semaine dernière.

Les autorités viennent d'ailleurs d'abaisser les limites sur les prêts aux PME dans certaines régions, où l'on craint un ralentissement économique généralisé. D'autres mesures, visant à soutenir l'ensemble de l'économie chinoise au moment où l'immobilier se dégonfle, pourraient aussi être annoncées prochainement, avancent des experts.

Entre-temps, M. Chanos refuse d'investir dans les banques chinoises. Pour lui, «le système bancaire en Chine est trop fragile». Chose certaine, beaucoup de gens ont hâte que Pékin intervienne et redonne un élan à la deuxième économie mondiale.