Tout à l'avant de la vaste salle de conférence, le ministre des Finances, Raymond Bachand, semblait perdu aux côtés du nouveau titulaire des Ressources naturelles, Clément Gignac.

Avec eux, un aréopage de sous-ministres et de hauts fonctionnaires qui ont fait le voyage de Québec pour l'occasion. Ils se tenaient fin prêts à répondre aux questions des journalistes, avec leurs études, tableaux et documents budgétaires.

L'attachée de presse du ministre Bachand avait même eu la gentillesse d'appeler certains journalistes pour s'assurer qu'ils ne ratent pas l'avis de convocation, envoyé peu avant la conférence d'hier matin.

C'était une opération charme comme les journalistes n'en voient pas tous les jours. Mais elle était à la hauteur du défi qui se dresse devant le gouvernement libéral. Convaincre les Québécois qu'ils tirent le maximum de l'extraction de leurs ressources naturelles. Ou, plutôt, les persuader qu'ils ne se font pas plumer en cédant leurs ressources à des prix dérisoires.

Les Québécois ont toutes les raisons d'être méfiants. Pendant des années, la province a bradé ses minerais, comme l'a documenté le vérificateur général du Québec. En 2008, le gouvernement a même consenti plus d'avantages fiscaux à l'industrie qu'il n'a tiré de redevances de toutes les mines du Québec!

Raymond Bachand le reconnaît d'emblée. «Avant, on ne tirait pas notre juste part. Mais ce n'est plus le cas aujourd'hui», assure-t-il.

Le ministre Bachand tient pour preuve les droits miniers que le gouvernement a perçus durant son année 2010-2011. Le fisc a récolté 304 millions de dollars. C'est plus du double de ce que le ministère des Finances avait prévu en rédigeant son budget.

Cette hausse s'explique par la flambée des cours des matières premières. Mais elle s'explique aussi par la hausse graduelle des redevances sur les profits miniers, de 12% à 16% à partir du 1er janvier prochain. Durant l'année 2010-2011, ce taux était de 14%, puis de 15%.

Présentés autrement, les droits miniers ont atteint 4,5% de la valeur de la production québécoise, alors qu'au cours de la dernière décennie, ces droits valaient moins de 1% de la production.

Bravo. Mais la question demeure. Alors que le secteur minier connaît un boom sans précédent, Québec peut-il extraire plus de richesses de son sous-sol? Soit en haussant les droits miniers. Soit en changeant la façon dont ils sont imposés.

Certains critiquent le fait que les droits miniers s'appliquent sur les profits et non sur la valeur de la production. Dans le passé, des sociétés minières ont réussi à tripoter leur comptabilité pour réduire leurs profits à presque rien.

Toutefois, l'approche mine par mine que le gouvernement du Québec a imposée, jumelée à l'élimination de certaines déductions fiscales, a comblé les trous les plus béants.

La coalition «Pour que le Québec ait une meilleure mine» réclame l'imposition d'un taux de redevance minimum assorti d'un deuxième taux lié à la valeur de la production. Mais, avec une telle structure de taux, le Québec se trouverait désavantagé dès que les cours des métaux vont chuter. Si les minières doivent payer des redevances même lorsqu'elles accusent des pertes, les mines du Québec seront les premières sacrifiées.

Le ministre Bachand est convaincu que le Québec a atteint le point de rupture et ne peut pas exiger plus. Il illustre son propos avec La poule aux oeufs d'or, cette fable de La Fontaine sur cette poule éviscérée en pure perte, que son père lui racontait petit. «Combien en a-t-on vu qui du soir au matin sont pauvres devenus pour vouloir trop tôt être riches?»

On aimerait bien partager cette conviction.

Le ministre s'appuie sur une étude récente de Price-waterhouseCoopers (PWC) qu'il décrit comme indépendante, même si cette firme de vérificateurs comptables tire son gagne-pain des grands noms de l'industrie minière. Selon cette étude, le Québec a le fardeau fiscal le plus élevé au pays pour les projets miniers, avec une ponction totale de 40,9% sur les profits (droits miniers, impôts provincial et fédéral).

Sauf que cette comparaison ne tient pas compte de l'aide que Québec consentira indirectement aux projets miniers dans le cadre de son plan Nord. Par exemple, Québec investira 331 millions de dollars pour prolonger la route 167 pour que celle-ci puisse atteindre le projet Renard de la société Stornoway, au-delà des monts Otish. Trois autres projets miniers borderont aussi cette route.

L'Ontario subventionne aussi de façon ponctuelle des projets d'infrastructure qui servent à l'industrie minière, mais cette aide n'est pas aussi structurée.

L'étude de PWC ne tient pas plus compte des coûts de l'électricité du Québec, qui sont nettement moins élevés qu'en Ontario, le grand concurrent du Québec dans plusieurs productions minières (or, nickel, cuivre, zinc).

Dépendant du type d'exploitation et de son emplacement, les coûts des infrastructures et de l'énergie peuvent faire la différence quant à la rentabilité d'un projet.

Par ailleurs, le ministre Bachand passe sous silence l'étude récente du cabinet Grant Thornton. Selon cette firme, le Québec dispose d'une certaine marge de manoeuvre pour réclamer plus de droits miniers.

Qui vise juste? Où tracer la ligne? Dans le doute, il vaut mieux attendre d'y voir plus clair.

En ce moment, c'est le Québec qui tient le gros bout du bâton avec son riche sous-sol. Cependant, la flambée des cours des métaux ne peut être tenue pour acquise. Déjà, la crainte d'une nouvelle récession a mené à l'annulation de commandes et à une chute du prix du cuivre, un métal industriel.

De plus, le Québec ne vit pas en autarcie. Comme le Québec est la seule province à avoir relevé ses droits miniers depuis 2003, toute nouvelle hausse la mettrait sur le radar des producteurs miniers, qui ne manqueront pas de la comparer à l'Ontario et à Terre-Neuve.

Plus qu'une hausse des droits miniers bien planifiée et expliquée, l'industrie tient en horreur le flottement et l'incertitude. Mieux vaut pêcher par prudence plutôt que d'échapper des projets miniers au grand complet.