Dix ans. C'est le temps qu'il faudra pour sortir la Grèce de la crise, selon une étude américaine. Pas étonnant que des leaders européens aient perdu patience et veuillent éjecter les pauvres Grecs de la zone euro.

Au terme d'une enquête de 10 mois, la réputée firme américaine McKinsey & Co. vient de terminer un rapport détaillé sur la situation économique et budgétaire de la Grèce.

Cette étude, commandée par la Fédération des entreprises grecques et l'Association des banques helléniques, a été transmise la semaine dernière aux autorités grecques. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que le diagnostic de McKinsey est sombre.

En voici les faits saillants, tels que rapportés par des médias européens:

> Le système administratif et fiscal grec «dissuade la création et l'expansion des entreprises», entraînant un manque à gagner pour le fisc de 20 milliards d'euros par an.

> Dans ce contexte, la Grèce s'avère une terre réfractaire aux investissements et à la création d'emplois.

> Le secteur privé est carrément faible: seulement 27% des entreprises grecques comptent plus de 250 salariés, contre le double en Allemagne.

> Même avant la crise en 2007, le PIB grec par habitant était inférieur de 15% à la moyenne de la zone euro et de 35% à celle des États-Unis. Tous les secteurs de l'économie ont une productivité insuffisante.

> Le marché du travail est inflexible. Le renouvellement, ou «turnover», de la main d'oeuvre est le plus faible d'Europe.

> Et pour couronner le tout, le secteur public est inefficace et surdimensionné, avec 1,1 million de fonctionnaires sur une population active de 4,8 millions.

Un travail énorme

Devant un tel gâchis, les autorités européennes devront faire un travail gigantesque pour remettre ce pays sur la bonne voie.

D'abord, suggère McKinsey, il faut simplifier et accélérer le processus d'autorisation des investissements.

Puis, il faudra faire la chasse aux fraudeurs du fisc, qui privent la Grèce de plusieurs milliards d'euros. En clair, cela implique de s'attaquer au travail au noir, aux importations illégales et aux jeux hors la loi.

Le système judiciaire mérite également d'être amélioré. Et les universités devraient resserrer leurs liens avec les entreprises pour promouvoir la recherche et l'innovation.

Quant à l'économie, McKinsey envisage un modèle s'appuyant sur cinq secteurs traditionnels, soit le tourisme, l'énergie, l'agroalimentaire, le commerce de détail et l'agriculture. Mais il faudra aussi développer des secteurs d'avenir comme la pharmacie, le tourisme médical et la pisciculture.

Toutes ces mesures, si elles sont appliquées correctement, permettraient à la Grèce d'atteindre une croissance de 3% par an et de créer un demi-million de nouveaux emplois.

Le temps presse

La commande est donc énorme. Or, le temps presse pour les Grecs, car la tension est à son comble en Europe.

La semaine dernière, Horst Seehofer, président de la branche bavaroise du parti de la chancelière allemande Angela Merkel, a déclaré qu'une sortie de la Grèce de la zone euro ne pouvait être «écartée».

Voulant aussi briser le tabou de l'éclatement de la zone euro, le premier ministre des Pays-Bas et son ministre des Finances ont même proposé que les pays qui brisent les règles du Pacte de stabilité, en matière de déficit public, soient forcés de quitter le «club des 17». Bref, l'Europe moderne est au bord de l'éclatement.

Après des années de dérapage, rappelons que la Grèce est devenue incapable de rembourser ses dettes après la crise financière de 2008-09.

Depuis mai 2010, le pays survit grâce au soutien de 110 milliards d'euros (153 milliards CAN) de ses partenaires européens et du FMI (Fonds monétaire international).

Comme cela était encore insuffisant, les Européens ont accepté, en juillet dernier, de lui allonger une autre aide de 109 milliards d'euros, avec des conditions plus souples. Mais les Grecs semblent incapables de respecter leurs engagements en matière budgétaire. Si bien que des inspecteurs européens ont quitté Athènes en trombe, il y a quelques jours, en raison de désaccords sur les états financiers de l'État.

C'est à se demander si une fin heureuse à cette crise est encore possible. Car ça sent la panique dans les capitales européennes, alors que des experts du FMI se rendront à Athènes mercredi.

La semaine dernière, le président de l'Eurogroupe, Jean-Claude Juncker, a déclaré que le gouvernement grec pourrait ne pas recevoir un prochain versement de 8 milliards d'euros, attendu ce mois-ci, si le pays n'atteint pas ses cibles budgétaires. Sans ces fonds, un défaut de paiement de la Grèce est inévitable.

À lire en page A20: la Grèce annonce de nouvelles mesures pour réduire son déficit.