Avec le monde de la Bourse, on n'en est pas à une surprise près.

Pour la première fois depuis que je couvre les transactions d'initiés des dirigeants des sociétés inscrites en Bourse, je viens d'en trouver deux qui ont renoncé à l'appât d'un important gain. Et ce, dans le but de ne pas lancer un message négatif aux investisseurs et aux actionnaires de l'entreprise.

N'est-ce pas généreux de leur part !

Qui sont ces deux dirigeants ? Ce sont respectivement le président et chef de la direction d'Exploration Orbite, Richard Boudreault, et son collègue du conseil d'administration, le conseiller juridique et stratégique Charles Chevrette. Parenthèse : Orbite détient les droits miniers de la propriété de Grande-Vallée, site d'un dépôt d'argile alumineuse, en plus de posséder une usine en Gaspésie. L'entreprise détient en outre les droits intellectuels sur un procédé unique d'extraction de l'alumine.

Qu'ont fait de si inusité les deux administrateurs d'Orbite ?

Richard Boudreault a laissé expirer le 13 septembre 2010 un bloc d'un million d'options au prix de levée de 12 cents. L'action se négociait à ce moment-là à 24 cents. C'est donc dire que son bloc d'un million d'options avait une valeur au marché de 120 000 $.

Charles Chevrette l'a imité en laissant lui aussi expirer le 13 septembre 2010 un bloc de 750 000 options au prix de levée de 12 cents. Ce bloc avait une valeur au marché de 90 000 $.

Quelles raisons évoque-t-on chez Orbite pour justifier une telle décision de laisser tant d'argent sur la table, surtout quand il s'agit d'un titre qui ne foutait rien de bon depuis son entrée en Bourse ?

Réponse de Frédéric Bérard, porte-parole de la société : « Richard Boudreault a pris la décision personnelle de ne pas exercer les options consenties en 2005, lesquelles ont expiré à ce même moment (le 13 septembre 2010). Cette décision a été motivée par les intérêts supérieurs de la Société, dans l'optique où ceci aurait envoyé un message possiblement négatif aux marchés. Qui plus est, M. Boudreault croyait fermement à l'époque - et c'est évidemment encore le cas aujourd'hui - au fort potentiel d'Orbite, ce que semblent d'ailleurs avoir confirmé les récents succès de la Société. »

« Quant à Charles Chevrette, ajoute M. Bérard, un raisonnement similaire s'applique. »

Quelle étonnante réponse quand on constate que le président du conseil d'administration d'Orbite, Lionel Léveillé, a fait le contraire de ses collègues en exerçant, le 13 septembre, le bloc de 300 000 options qui allaient expirer. Il mettait ainsi la main sur les 300 000 actions sous-jacentes, à 12 cents pièce.

Entre nous, je ne vois pas en quoi le fait de lever des options expirées et acquérir du coup les actions sous-jacentes allait envoyer un message « possiblement négatif » aux marchés. Ce qui envoie généralement un message négatif, c'est lorsque le dirigeant lève ses options en vue de liquider immédiatement sur le marché les actions acquises.

Voilà pourquoi ça m'intrigue quand on me dit que MM. Boudreault et Chevrette ont pris cette décision de renoncer à la plus-value de leurs blocs d'options dans « les intérêts supérieurs » de l'entreprise. La réponse est d'autant intrigante que le 29 septembre 2010, soit à peine 16 jours plus tard, le conseil d'administration leur octroyait de nouveau des blocs d'options équivalents aux blocs expirés. Ainsi M. Boudreault remettait la main sur son million d'options (plus 750 000 autres) et M. Chevrette sur ses 750 000 options.

Petit contretemps : comme l'action d'Orbite avait grimpé au cours de ces 16 jours, le prix de levée des options est passé à 36 cents (au lieu de 12 cents). Mais l'expiration, elle, s'en trouve prolongée jusqu'en septembre 2015.

Si vous faites la différence entre les deux prix de levée des options (36 - 12 = 24 cents), MM. Boudreault et Chevrette ont en réalité laissé respectivement sur la table 240 000 $ (un million X 24 cents) et 180 000 $ (750 000 X 24 cents).

Mais dans le fond, cela ne représente aujourd'hui qu'un menu sacrifice !

Car, faut-il préciser, leur décision du 13 septembre 2010 de laisser expirer leurs blocs d'options allait coïncider avec le déclenchement de la forte poussée à la hausse du titre d'Exploration Orbite. Dans les sept mois qui ont suivi, le titre allait enregistrer une magistrale chevauchée, qui l'a amené jusqu'à un sommet de 5,69 $ en avril dernier. Il se négocie de ce temps-ci autour des 3,50 $.

Grâce à une année exceptionnelle en Bourse, le million d'options ré... octroyées à M. Boudreault vaut actuellement sur le marché 3,1 millions de dollars et celui de M. Chevrette la somme de 2,3 millions.

La manne des options a également profité à huit autres dirigeants et administrateurs d'Orbite. En septembre 2010, le conseil d'administration a octroyé 3,4 millions d'options additionnelles, au prix de 36 cents, soit un autre bloc de 750 000 à M. Boudreault, un bloc de 600 000 au président Lionel Léveillé, un bloc de 100 000 à Yvon Boisselle, un bloc 200 000 à Pierre Gévry, un bloc de 550 000 à Toby Gilsig, un bloc de 600 000 à Pierre B. Meunier, un bloc de 300 000 à Christian L. Van Houtte et un bloc de 300 000 à Stéphane Bertrand. Puis en novembre, un bloc d'un million d'options à un prix de levée de 67 cents a été octroyé à Jacques Bédard. À eux seuls, ces blocs d'options leur rapportent jusqu'à présent une plus-value d'au moins 13,5 millions de dollars.

Quel bon timing ! Le titre d'Orbite a littéralement explosé après l'octroi de ces gros blocs d'options, grâce à la diffusion d'une multitude de bonnes nouvelles.