Locomotive de l'économie mondiale, la Chine avance à toute allure au rythme d'une croissance à deux chiffres (ou presque) depuis des années. Mais le géant asiatique n'est pas aussi solide qu'il le laisse paraître.

L'inflation, un boom immobilier démentiel ou encore la bulle de crédit risquent de faire dérailler l'économie chinoise dans un proche avenir, préviennent des experts.

«La Chine va subir un atterrissage douloureux en 2013», a même lancé l'économiste américain Nouriel Roubini lors d'une récente conférence à Singapour. «Je ne vois aucune rationalité dans le fait de doubler ou tripler des infrastructures dans un pays à ce niveau de développement économique.»

Le réputé mais souvent pessimiste «Doctor Doom» Roubini, qui avait prédit la crise financière américaine, évoquait ainsi la concurrence sur la liaison Shanghai-Hangzhou entre le train, une autoroute toute neuve et l'avion, alors que ces trois moyens de transport ne fonctionnent qu'au quart de leur capacité.

Or, M. Roubini n'est pas le seul à s'inquiéter de la santé du Dragon chinois.

Immobilier

D'autres ont décelé d'importantes fissures dans le secteur immobilier, un pilier de l'économie chinoise.

«Après des années de folie, la bulle de l'immobilier chinois commence à se dégonfler. Les prix résidentiels sont à la baisse dans certaines grandes villes (...) augmentant les perspectives de voir l'économie chinoise ralentir plus rapidement que prévu», avance le Wall Street Journal dans un récent reportage.

Dans le secteur résidentiel, l'indice des prix au mètre carré dans 9 des principales villes chinoises a reculé de 4,9% en avril, confirme le cabinet Dragonomics.

Il y a quelques jours, la Banque mondiale a même mis en garde la Chine contre une bulle immobilière, qui compterait parmi les risques majeurs qui menacent la République populaire.

Et voilà que l'agence Standard&Poor's vient de rétrograder - de «stable» à «négative» - sa perspective sur les principaux promoteurs immobiliers du pays. Elle justifie sa décision par celle des autorités de réduire le crédit dans ce secteur.

La Banque populaire de Chine vient en effet d'imposer aux établissements bancaires d'augmenter - pour la neuvième fois depuis octobre - leur ratio de réserves obligatoires à 21,5%, réduisant mécaniquement les sommes disponibles pour des prêts.

Selon S&P, ce dernier tour de vis pourrait faire baisser la valeur des maisons de 10% d'ici un an. Un net revirement pour un marché habitué à une croissance des prix de près de 10% annuellement.

Les craintes autour de la bulle immobilière en Chine sont récurrentes. Pékin tente de les maîtriser. Sans compter que les prix élevés du logement sont un sujet sensible sur le plan social, de nombreux ménages ne pouvant accéder à la propriété.

Or, les multiples contraintes gouvernementales imposées à la hâte pourraient agir comme un coup de frein brutal sur le secteur immobilier, qui est responsable de près de 9% de l'économie chinoise.

Crédit: le bar ouvert

L'autre source d'inquiétude, c'est le crédit. Une politique monétaire très accommodante et un méga-plan de relance économique (650 milliards), implanté à la fin 2008 au plus fort de la crise financière, ont inondé le marché domestique de liquidités.

Du coup, le crédit a littéralement explosé, augmentant de 16% par an, selon la Banque des règlements internationaux.

Les administrations régionales chinoises ont évidemment voulu profiter de la manne. Selon un premier rapport public, dévoilé la semaine dernière, les collectivités locales avaient accumulé une dette d'environ 1500 milliards à la fin 2010. Un chiffre colossal, représentant 27% du produit intérieur brut (PIB), qui ferait grimper le total de la dette chinoise à près de 80% de son PIB, au lieu du taux officiel de 50%.

En cause, les milliards prêtés aux régions par les banques en 2009 et 2010 pour financer des projets d'infrastructures, certains parfois douteux, alors que le pouvoir central redoutait un ralentissement économique. Des analystes croient que l'endettement réel des administrations régionales est encore plus élevé, car certaines ont tendance à embellir leur bilan par diverses techniques comptables.

Bref, on sent que le géant chinois, malgré ses immenses richesses, a de l'argile dans les talons. Les autorités ont été lentes à intervenir pour maîtriser les bulles dans l'économie. L'empire du Milieu est donc à un tournant de son histoire, car il semble souffrir des mêmes maux que le Japon a connus dans les années 70-80.