Il est hautement risqué de faire affaire avec Revenu Québec par l'entremise de la poste.

Vous aurez beau envoyer votre paiement une semaine d'avance par rapport à la date limite, rien ne vous assure que Revenu Québec en accusera réception à temps. Et dans un tel cas, on vous refilera un avis de cotisation pour paiement en retard, avec pénalités et frais d'intérêt.

Rien de moins. Et si vous contestez et que vous ne payez pas l'amende et les frais du soi-disant retard, vous entrerez dans un véritable labyrinthe de procédures administratives... Bonne chance!

Dans ma chronique «Revenu Québec: un délai, deux interprétations», de samedi dernier, je vous ai raconté que mon paiement de TVQ/TPS avait été envoyé (et estampillé par la poste) le 29 avril, soit trois jours avant le délai d'expiration de minuit le 2 mai (le même délai que pour les déclarations de revenus). Mais Revenu Québec affirme avoir reçu mon paiement en retard, soit le 4 mai, et en conséquence, il m'a imposé une amende et des frais d'intérêt. Parenthèse: l'amende et les intérêts ont été effacés parce qu'il s'agissait d'une «première offense» de ma part!

Alors que la déclaration de revenus estampillée le 2 mai était réputée avoir été reçue à temps par Revenu Québec, la déclaration de TVQ/TPS estampillée le 2 mai ou avant (comme la mienne) ne faisait pas l'objet du même traitement et risquait de ce fait d'être réputée reçue en retard. Dans ce cas, Revenu Québec ne reconnaît pas la date du cachet postal, mais plutôt la date de réception à ses bureaux.

Cependant, il y a ici un gros hic: une source anonyme de Revenu Québec allègue que le système de réception des déclarations et de la saisie des données fonctionnerait de façon aléatoire. Cette personne affirme qu'une déclaration (à l'instar de la mienne) reçue le 4 mai et traitée, par exemple, le 16 mai, ne devrait pas être considérée en retard.

Pour vous montrer à quel point le système de réception des déclarations envoyées par la poste est devenu pour Revenu Québec une source de revenus (amendes et frais d'intérêt), voici les témoignages de quelques contribuables victimes.

Éric A. raconte qu'il a quatre amis qui ont été piégés par le même stratagème. «Le premier a posté son rapport de TPS/TVQ le 23 avril, un autre le 26, un le 29 et le dernier le 30. J'étais avec eux lorsque chacun a été au comptoir postal. Tout a été fait dans les normes. Le dernier (celui du 30 avril) va toujours au comptoir postal le dernier jour de son trimestre depuis plus de trois ans et il n'a jamais eu de problèmes. Mais cette fois, les quatre ont eu des amendes variant de 147$ à 948$.»

Mme Michèle refuse pour sa part de payer l'amende et les intérêts de 144$ que Revenu Québec lui réclame pour avoir supposément payé en retard des retenues à la source.

«Je vis une situation absurde, dit-elle. Je suis propriétaire d'une ME (minuscule entreprise) qui me verse un salaire établi au début de chaque année avec mon comptable. Les retenues à la source ne changent pas d'un mois à l'autre. Depuis des années, j'envoie au moins une semaine avant l'échéance du 15 les retenues à la source fédérales et provinciales, avec un chèque portant la date du 15. Les deux chèques sont toujours postés en même temps. En février dernier, j'ai suivi ma procédure habituelle. Le chèque à l'ordre du Receveur général du Canada a bel et bien été encaissé le 15 février, mais, pour une raison inconnue, celui à l'ordre du ministre du Revenu, pour les retenues à la source provinciales, n'a été encaissé que trois jours plus tard, soit le 18 février.»

«Depuis, on me réclame des frais et des intérêts que je refuse de payer, poursuit-elle. On allègue un retard dont je ne suis pas responsable. J'ai eu beau remplir des formulaires, donner des explications... les fonctionnaires sont aveugles et sourds. Ils profitent du fait qu'il est impossible à quiconque de prouver qu'un de leurs collègues a tout simplement oublié d'ouvrir l'enveloppe ou d'estampiller un chèque. Ils ont peut-être des quotas de recouvrement à respecter, qui sait. Le bouquet: devant le fisc, la présomption d'innocence n'existe pas...»

Jean-Marc L. s'est lui aussi fait prendre avec un présumé retard de deux jours concernant la réception de sa déclaration de TVQ/TPS au bureau de Revenu Québec . «J'ai déjà dû payer une amende beaucoup plus salée que la vôtre pour un retard de deux jours. C'est drôle! Quand c'est nous qui attendons un chèque qui tarde du gouvernement, il peut invoquer toutes les excuses et il vous gratifie de quelques cents de plus sur votre chèque. Quand on nous accuse d'être en retard avec la TVQ/TPS, on nous impose des frais d'intérêts et une amende, par-dessus le marché. Tout ça parce qu'on nous reproche d'avoir dépassé un délai pour effectuer une tâche bénévolement (collecter des taxes) pour le gouvernement!»

Cela dit, tant et aussi longtemps qu'il sera permis aux contribuables d'effectuer leurs paiements par l'entremise de la poste, Revenu Québec éviterait tout imbroglio s'il acceptait le cachet de la poste comme date de référence pour le respect des délais imposés.

Entre nous, il est aberrant de constater qu'à partir de deux paiements mis à la poste la même journée, Revenu Québec puisse affirmer recevoir le sien trois jours plus tard que celui envoyé à Revenu Canada.

Allô l'équité fiscale!