Combien coûte un «grande caffe latte» dans un Starbucks de São Paulo, au Brésil? L'équivalent de 5,40$US comparativement à 4,30$US à New York.

Un film au cinéma? Quelque 15$US. La tablette électronique iPad d'Apple? Environ 1200$US. Une Honda Civic EX-L? Un peu plus de 38 000$US... Bref, de nombreux plaisirs, petits et grands, sont aujourd'hui plus chers dans la métropole brésilienne qu'à Manhattan ou dans la plupart des grandes villes du monde.

Ces données, compilées par l'agence Reuters et le Wall Street Journal, témoignent des dangers qui guettent l'une des économies les plus dynamiques de la planète.

L'an passé, le Brésil a enregistré une croissance de 7,5%. Une performance admirable pour le géant sud-américain qui aspire, depuis longtemps, à se hisser parmi les puissances mondiales.

Le Brésil est en voie d'y arriver à la vitesse d'une Formule 1, un sport très populaire au pays, mais au prix d'une inflation inquiétante et de la formation de bulles spéculatives.

Immobilier

Les signes d'une probable surchauffe se multiplient au pays de la samba, laissent croire de récentes données.

Les prix de l'immobilier, par exemple, grimpent en flèche. Acheter un appartement dans le chic quartier Ipanema, à Rio de Janeiro, coûte 25 à 35% de plus qu'il y a un an, selon des médias européens. Et des données officielles montrent que la valeur des propriétés, à São Paulo, a presque doublé depuis 2008.

En outre, les rumeurs les plus folles circulent dans la presse financière au sujet des émoluments des dirigeants d'entreprise. Des cadres exigeraient des hausses minimales de salaire de 20 à 30% pour changer d'emploi... ou simplement le conserver.

Dans ce tourbillon, louer un bureau à Rio Janeiro coûte plus cher qu'à Manhattan, selon la firme Cushman&Wakefield.

Est-ce la réussite économique ou le doux climat local? Toujours est-il que le Brésil a aussi un effet attractif considérable sur les investisseurs de la planète.

En mars, les investissements étrangers réalisés au pays ont atteint 6,8 milliards US, environ 40% de plus que les prévisions des économistes. À ce rythme, plus de 60 milliards US de fonds étrangers vont déferler sur le pays cette année - un record, selon la banque centrale brésilienne.

Depuis un an, les autorités monétaires ont érigé des barrières financières pour freiner le flux de capitaux spéculatifs étrangers. Sans grand succès cependant. Le real - la monnaie nationale - est revenu au sommet atteint avant la crise financière par rapport au dollar américain.

Le crédit

Dans ce contexte, l'argent coule à flots dans les banques qui prêtent à tout-va. Si bien que, pour les consommateurs, acheter à crédit est devenu l'autre sport national après le soccer.

Le crédit au secteur privé a augmenté de près de 200% depuis 2007, évalue le Fonds monétaire international (FMI). Le nombre de cartes de crédit bancaires en circulation a triplé (à 160 millions) et les cartes des détaillants ont quadruplé (à 234 millions), selon Bloomberg.

Les commerçants, évidemment, ne se plaignent pas. La chaîne Lojas Americanas a vu ses profits augmenter de 33% au premier trimestre, alors que le détaillant de vêtements Hering rapporte une hausse de ses bénéfices de 74%.

Or, les Brésiliens jouent un jeu dangereux, préviennent des experts. «Les gens ont peu ou pas d'expérience du crédit, affirme Andrew Frank Storfer, président d'ANEFAC, une association de dirigeants du secteur bancaire. Il n'y a pas de véritable culture avec le crédit.»

Le manque d'expérience des Brésiliens se traduit par une hausse marquée des prêts à risque dans le portefeuille des banques. Et les agences de crédit sont aux aguets.

La banque centrale brésilienne a haussé les taux d'intérêt pour contenir la consommation et l'économie. La croissance a certes ralenti en début d'année, mais le coût de la vie continue d'augmenter rapidement. L'inflation atteindra les 6,5% cette année, selon une enquête Bloomberg, soit à la limite supérieure tolérée par la banque centrale.

Marge de manoeuvre

En revanche, le Brésil a plusieurs atouts, notamment une marge de manoeuvre que peu de pays nordiques ont à leur disposition.

Ses grandes banques sont bien capitalisées. Et comme le pays part de loin sur le plan économique, la proportion du crédit dans l'économie demeure faible (moins de 50%), ce qui est bien moins qu'aux États-Unis.

Aussi le directeur pour la zone occidentale au FMI, Nicolas Eyzaguirre, se fait rassurant. Dans une récente allocution, il écarte le risque d'une surchauffe à grande échelle au Brésil, du moins «pour le moment».

Toutefois, il a comparé le géant sud-américain à un bolide approchant un feu rouge à grande vitesse. Le conducteur doit freiner maintenant, au risque de déraper dangereusement plus tard.