Mine de rien, depuis l'été dernier, les travailleurs canadiens sont en train d'effectuer un important rattrapage salarial par rapport à l'année 2009.

C'est ce qu'indique la dernière enquête de Statistique Canada sur l'emploi, les gains et la durée du travail, publiée récemment. Habituellement, les résultats de cette enquête mensuelle passent à peu près inaperçus dans les médias. Cette fois-ci, cela vaut vraiment la peine de s'y arrêter.

Entre janvier 2009 et janvier 2010, la rémunération hebdomadaire moyenne au Canada a augmenté de 4,2%. C'est presque deux fois plus que l'inflation. Le plus beau, c'est que ce chiffre ne représente pas un cas isolé. Depuis le mois d'août 2010, alors qu'on a observé une forte poussée de 4,5%, c'est le sixième mois consécutif où les gains du travail atteignent ou dépassent, en rythme annuel, la barre des 4%. À titre de comparaison, le rythme de croissance, entre janvier 2009 et janvier 2010, n'a atteint que 2,2%.

Autrement dit, si les salariés sont tout juste parvenus de peine et de misère à protéger leur pouvoir d'achat en 2009, il en va tout autrement maintenant.

Cette augmentation des gains du travail ne provient pas seulement des hausses salariales. C'est en bonne partie parce que la semaine de travail a légèrement augmenté. Cette année, la semaine de travail (en incluant les heures supplémentaires) a augmenté en moyenne de 30 minutes pour atteindre exactement 30 heures et 6 minutes. Cette petite demi-heure de plus fait une grosse différence sur le chèque de paie. Elle permet aux salariés non seulement de protéger, mais d'augmenter leur pouvoir d'achat.

Il va de soi que les salaires varient considérablement selon les secteurs d'emploi et les provinces.

Ainsi, le salaire hebdomadaire moyen au Canada, en janvier 2011, se situait à 870$. Si vous travaillez dans le secteur de l'extraction minière, pétrolière ou gazière, votre salaire bondit à 1647$, pratiquement deux fois plus que la moyenne (vous devez toutefois vous attendre à travailler plus de 40 heures par semaine, 10 heures de plus que l'ensemble des travailleurs).

Ce niveau élevé explique en bonne partie pourquoi les Albertains sont les mieux payés des travailleurs canadiens. Également, en tête du palmarès arrivent les services publics (notamment les employés des réseaux d'électricité, d'eau, d'égouts), avec 1597$, ainsi que les travailleurs des services professionnels, scientifiques et techniques avec 1211$.

Tout en bas de l'échelle, on retrouve les employés du secteur de l'hôtellerie et de la restauration (salaire de 359$ par semaine, pour une semaine de travail moyenne de 22 heures), le commerce de détail (500$) et les arts, spectacles et loisirs (591$).

On observe aussi d'importantes différences régionales. Ainsi, les salariés albertains gagnent 41% de plus que leurs collègues de l'Île-du-Prince-Édouard. Les Québécois, avec un salaire de 791$, arrivent assez loin derrière la moyenne canadienne de 870$. L'écart s'est encore creusé depuis un an, les Québécois devant se contenter d'une hausse légèrement inférieure à la moyenne canadienne (voir tableau ci-bas pour plus de détails).

L'enquête de Statistique Canada fournit aussi des données qui permettent de mieux comprendre comment la situation évolue depuis quelques années. Ainsi, en quatre ans, c'est-à-dire depuis 2007, la rémunération a augmenté en moyenne de 12,4% au Canada. Mais, encore ici, ce chiffre camoufle d'importantes variations régionales. Comme on s'en doute, les provinces dont l'économie est fortement liée au pétrole, au gaz naturel et à la potasse sont aussi celles qui ont connu les plus fortes augmentations. En Alberta, la hausse a frisé les 20%, ce qui a consolidé la position de la province au premier rang de la rémunération salariale. Les travailleurs terre-neuviens, qui partaient d'assez loin, ont profité de hausses salariales de 18% en quatre ans; grâce à Hibernia, la province la plus pauvre du Canada il n'y a pas si longtemps a pratiquement rejoint la moyenne canadienne des salaires aujourd'hui, dépassant même assez largement le Québec. En Saskatchewan, royaume de la potasse, la hausse depuis 2007 dépasse les 17%.

Les deux «mauvais élèves» de la classe sont la Colombie-Britannique avec 9% et le Québec avec 10%. Dans ces deux provinces, la semaine de travail est un peu plus courte que la moyenne. Ce que tous ces chiffres nous disent, c'est que, depuis l'été dernier, les Québécois sont en mode de rattrapage salarial, à un rythme comparable à celui du reste du Canada. C'est une bonne nouvelle. Sur une longue période, il leur reste encore beaucoup de pain sur la planche pour combler le retard accumulé depuis 2007.

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DE MEILLEURS SALAIRES

Rémunération hebdomadaire moyenne, par province, janvier 2011

ALBERTA

1014$

5,7% (variation depuis un an)

ONTARIO

898$

3,8%

MOYENNE CANADIENNE

870$

4,2%

SASKATCHEWAN

863$

3,6%

TERRE-NEUVE-ET-LABRADOR

860$

5,2%

COLOMBIE-BRITANNIQUE

833$

4,6%

MANITOBA

802$

4,0%

QUÉBEC

791$

3,9%

NOUVEAU-BRUNSWICK

781$

3,4%

NOUVELLE-ÉCOSSE

763$

2,6%

ÎLE-DU-PRINCE-ÉDOUARD

720$

7,2%

Source : Statistique Canada